L’histoire moderne et contemporaine est ponctuée de terribles événements qui ont marqué ces périodes. Amoureux d’histoire, nous vous proposons 12 visites qui vous replongeront dans l’histoire douloureuse des derniers siècles.
1. Tuol Sleng (S-21) et Choeung Ek, Cambodge
Événement : Génocide des Khmers Rouges (1975-1979)
Qui vient à Phnom Penh ne peut faire l’impasse sur Tuol Sleng (S-21), l’ancienne prison et centre de torture du régime génocidaire du Kampuchéa démocratique (1975-1979) de Pol Pot. Visiter l’ancienne école, c’est se plonger dans l’horreur des années Khmers rouges. Les quelques rescapés présents, sont là pour témoigner ou vendre leur (récit de) souffrance. Dans le camp d’exécution sommaire de Choeung Ek, ces champs de la mort portent bien leurs noms. La machine de mort Khmer rouge (Rithy Panh) a, ici, bien fait son travail. Lors du procès de Duch, les procureurs diront : « La politique était que personne ne pouvait sortir vivant de S-21 [...] Sous les ordres directs de l'accusé et parfois de ses propres mains, des personnes ont été soumises à des souffrances physiques et mentales intenses dans le but de leur soutirer des aveux et parfois d'infliger une punition [...] Les victimes étaient battues avec des cannes en rotin et des fouets, électrocutées ou étouffées avec des sacs en plastique attachés autour de leur tête, déshabillées et leurs parties génitales soumises à des décharges électriques ». À Choeung Ek, des bouts de tissus sortent toujours du sol. L’Angkar (« Organisation ») n’est plus et le Cambodge se reconstruit...
2. Tunnels de Cu Chi, Vietnam
Événements : Guerre d’Indochine (1946-1954) et du Vietnam (1963-1975)
Au Vietnam, il est facile de se replonger dans les horreurs d'une guerre si féconde en chefs d'œuvre cinématographiques. Les tunnels de Củ Chi débouchent sur un incroyable réseau de galeries, dortoirs, cuisines... Utilisés dès la guerre d’Indochine contre l’armée française, ils frisent le génie, de l’ouverture dissimulée à l’évacuation des fumées des cuisine. Ils permettaient au Viêt-Cong de prendre les soldats américains à revers. Chaleur, humidité, forêt tropicale, violences, bombardements: fût-il possible de ne pas sombrer dans la folie à l'image de Christopher Walken dans The Deer Unter de Cimino (1978) ou du colonel Kurtz à la tête d'indigènes cachés dans la jungle opérant des violences contre les civils (Apocalypse Now) ? Folie, suicides, soldats dopés aux amphètes', à la dexedrine, l’opium, les soldats ont dus ressentir un sentiment d'impossible retour décrit Michaël Herr dans Putain de Guerre. Dans l’ancienne Saïgon, vous pourrez visiter le musée de la guerre, en fait propagande antiaméricaine sans intérêt. Agent orange, bombes chimiques, photos d'une grande violence... et après ? Comprendre, se souvenir serait plus pertinent. À Củ Chi, on peut s'essayer au maniement d'un AK 47... À vomir !
3. Maison des Esclaves à Gorée, Sénégal
Événement : Traite négrière atlantique (XVème-XIXème siècles)
La Maison des Esclaves sur l’île de Gorée est devenue un lieu mémoriel majeur pour ceux qui veulent se souvenir du commerce triangulaire. Le rez-de-chaussée de l’ancienne esclaverie - l’une des dernières de l’île - est divisé en plusieurs cellules réservées aux enfants, aux hommes, aux jeunes filles… La visite valait surtout pour les récits de l’ancien conservateur Joseph N’Diaye qui en fit un lieu stratégique du tourisme mémoriel, notamment pour les Afro-américains. Des citations rappellent la tragédie de l’esclavage et met sur le même plan Gorée et Auschwitz… huh ! Les récits et affirmations de N’Diaye (la porte de non-retour ou les cellules par exemple) n’ont pas survécu aux analyses historiques sérieuses et l’île n’avait pas la même importance que le golfe de Guinée (Côte de l’Or, Baie du Bénin). Peu importe, car Gorée est le symbole plus ou moins « fictif » de l'histoire effroyable des Traite négrières !
4. Mémorial du génocide arménien, Arménie
Événement : Génocide de 1915
À peine arrivé à Erevan que vous irez sûrement au mémorial du génocide de 1915 perpétré par le mouvement des Jeunes Turcs contre les Arméniens. Une logeuse, bien qu’Arménienne, pense que la reconnaissance du génocide par le parlement français est probablement le résultat du lobby arménien dans notre pays ! Aujourd’hui, seuls 29 états dont les États-Unis ou la Russie l’ont reconnu ; ce n’est pas le cas du Royaume-Uni, d’Israël ou de la Turquie. Il s’agissait de l’Empire ottoman mais ça, la Turquie semble toujours ne pas l’avoir compris ! Si Erevan n’offre que très peu d’intérêt, le pays regorge de très beaux monastères. C’est parti !
5. Auschwitz-Birkenau, Pologne
Événement : Shoah (1941-1945)
Visiter Auschwitz est une expérience encore plus douloureuse que celles de Dachau ou Mauthausen (Allemagne). Le camp d’extermination permet de se rendre compte de l’échelle effroyable de l’industrie de la mort mis en place par le régime nazi. On comprend mieux ce que Robert Merle décrivait dans La mort est mon métier ; commandant du camp, Rudolf Höss était le parfait fonctionnaire de la Shoah. Une petite rue passe devant le camp. Ces Polonais ont une vue directe sur les nombreux baraquements qui accueillaient des squelettes à peine vivants et s’étalent à perte de vue ! Nous voilà entre les barbelés, à passer sous le « Arbeit macht frei ! » ou à suivre les rails du train qui s’arrêtaient entre deux monstres de fours crématoires. En plein hiver, vous ressentirez peut-être comme nous le froid glacial qui tuait à l’heure de l’appel. Une ligne directe reliait lignes Drancy à Auschwitz-Birkenau… Auschwitz est un choc lors duquel on ne ressort pas indemne.
6. Soweto & Robben Island, Afrique du Sud
Événement : Apartheid (1948-1991)
En attendant Le Cap, vous visiterez peut-être le légendaire South Western Township (Soweto), célèbre pour les maisons de Mandela, de l’archevêque Desmond Tutu - prix Nobel de la paix - et pour les émeutiers de 1976 qui manifestaient contre l’obligation de l'enseignement en langue afrikaans. Son musée de l’Apartheid est fantastique. Je me rappelle de La Mama en pleurs lors de la libération de Mandela, de Steve Biko ou des visages de Victoria Mxenge et Neil Haggett dans Assimbonanga du Savuka de Johnny Clegg. Celui-ci chantait « Look across the Island into the Bay » en évoquant Robben Island. Les otaries s’amusent dans le port. Depuis Victoria & Alfred Waterfront, nous rallions « l’île des phoques » qui servit de prison politique pour les opposants noirs au régime. On l’appelait « l’université Mandela », car il y fut détenu pendant près de dix-huit ans à partir de 1964 avant d'être transféré à Pollsmoor. À la vue de sa petite cellule, c’est encore un moment rempli d’émotions. On aurait presque envie de crier « Amandla ! ».
7. Seodaemun Prison History Hall, Corée du Sud
Événements : Colonisation japonaise (1907-1945) et guerre de Corée (1950-1953)
Avec la DMZ, Seodaemun Prison History Hall situé à Seodaemun-gu, est un autre lieu de mémoire majeur du pays. La prison de Gyeongseong Gamok, construite en 1907, fut utilisée par l'occupant japonais pour mater la résistance coréenne avec une violence inouïe. Les salles de torture côtoient des instruments de domination barbare, une salle de pendaison ou le bâtiment des « activités sportives ». Par la suite, le gouvernement coréen utilisa le lieu contre l'opposition - surtout communiste - avec la même cruauté. Les Japonais refusent toujours de s'excuser pour les meurtres, tortures, viols commis contre les Coréennes lorsque le pays occupait la péninsule (années 30). Pour stimuler ses soldats, l'Empire mettait des « femmes de réconfort » à leur disposition dans des « stations de réconfort » installées dans la région. Près de 200.000 femmes, dont 80 % coréennes, furent victimes de ce système de viol organisé. Depuis 1992, les victimes se rassemblent chaque mercredi devant l'ambassade du Japon pour réclamer excuses et indemnités officielles. En vain. Le négationnisme a, assurément, de belles années devant lui !
8. Sarajevo, Bosnie-Herzégovine
Événements : Guerre en ex-Yougoslavie (1992-1995) et massacre de Srebrenica (juillet 1995)
Sarajevo porte les meurtrissures d'un XXè siècle cannibale : plaque commémorative de l'assassinat de François-Ferdinand (1914), prétexte à un premier conflit mondial, souvenirs faits à partir de douilles et mortiers, ou maisons criblées de balles rappelant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans les environs, on peut visiter le tunnel qui permit à l'armée bosniaque de soutenir 4 ans de siège (dès 1992) et de sortir du goulet d'étranglement que constituait l'aéroport contrôlé par l'ONU mais bombardé par le voisin serbe. Si vous êtes en Bosnie le 11 juillet, vous observerez la commémoration impressionnante du massacre de Srebrenica : le pays entier se refusera à toute musique mise à part quelques discrètes notes de musique classique. J’avais assisté au passage émouvant d'un camion qui transportait les corps de nouveaux charniers découverts... Il y a plus de 20 ans, 8000 Bosniaques musulmans furent massacrés par les armées serbes de Milosevic, Mladic et autres qui, pour certains, finissent leurs jours en Serbie voisine. Les relations diplomatiques régionales sont donc houleuses ! Les Bosniaques se fient ainsi à la CPI ou au TPIY pour définir Srebrenica comme un génocide, ce que refuse la Russie… La fête des voisins doit être sympathique !
9. Mur de Berlin, Allemagne
Événement : Guerre froide (1947-1991/ mur de Berlin : 1961-1989)
Berlin respire l’histoire contemporaine comme aucune autre ville. Elle fut au centre de la Seconde Guerre mondiale (capitale du IIIè Reich, Reichstag, bataille de Berlin, Gestapo, mémorial d’extermination des tsiganes, Wannsee…) et de la Guerre froide qui opposait 2 blocs ennemis. Ici, on revit presque la chute du mur et de l’URSS à la manière de Goodbye Lenin ! le très beau film de Wolfgang Becker. Après la visite de Checkpoint Charlie, on peut chasser les innombrables traces de la division de la ville entre Berlin-Est et -Ouest (feux de signalisation par exemple) ou rejoindre la mairie de Schöneberg où JFK prononça son célèbre discours. S’il y a mille choses à faire à Berlin, il ne faut pas oublier de se souvenir que cette histoire de la honte est le fruit de la mégalomanie des 2 Superpuissances. Des portions bien visibles à d’autres graffées ou accolées à l’église de réconciliation à Bernauer Strasse, l’Histoire est donc partout. On aurait presque envie de dire « Ich bin ein Berliner ! » !
10. Mémorial du 11 Septembre, NYC – États-Unis d’Amérique
Événement : 11 Septembre 2001
Le 11 septembre 2001 est considéré, à juste titre, comme un évènement majeur de l'histoire contemporaine. Aujourd'hui, deux bassins carrés situés à l'emplacement même des deux tours détruites commémorent ce black day. Je me souviens être restée plus d'un quart d'heure devant ces chutes d'eau, impressionnée par leurs gigantismes. Lors d'une visite au 9/11 Memorial Museum, vous verrez nombre de photographies des tours enflammées, d'objets trouvés ainsi que des avis de recherche... Une survivante m'a conté ses difficultés à s'échapper de la tour à cause d'une fumée noire opaque qui ne lui permettait pas de voir à plus de 10 centimètre...
11. Sabra et Chatila à Beyrouth, Liban
Événement : Guerre du Liban (1975-1990) // massacre de Sabra et Chatila (sept. 1982)
À Beyrouth, les marques des conflits sont très (trop) présentes dans la ville, de l’assassinat de Rafik Hariri aux chars garés sous les ponts des échangeurs routiers ! C’est un choc. Si le cœur vous en dit, prenez la direction des quartiers palestiniens de Sabra et Chatila. Pauvres, ils sont l'un des 3 « camps » de réfugiés de la ville. On aperçoit très clairement les traces de balles sur les murs des bâtiments ! Elles permettent de ne pas oublier le massacre de centaines de civils par les hommes de cet enfoiré d'Ariel Sharon, bien aidé par les Phalanges chrétiennes. Dans cette ville, on comprend aussi que le Sud Beyrouth est le quartier du Hezbollah chiite. Au Liban, les tensions religieuses et/donc politiques sont donc partout !
12. Bunker de Gjirokaster, Albanie
Événement : Dictature d’Enver Hoxha (1950-1985)
Il n’est plus difficile de se replonger dans les heures sombres des anciens dictateurs du Bloc de l’Est qui prirent Staline pour modèle! À Bucarest, vous pourrez voir le plus grand bâtiment en pierre du monde (350.000m²) ou visiter l’ancienne résidence de Ceaușescu, à l’image de la mégalomanie d’un homme d’État qui se décernait les titres de « génie des Carpates » ou « Danube de la pensée » ! À Gjirokastra (Albanie), la ville de naissance d’Henver Hoxha, on peut désormais visiter un bunker des années 1960 construit pour abriter les apparatchiks du parti en cas de bombardement. Le tunnel dessert bureaux, salles de réunion, locaux techniques et forme un labyrinthe souterrain immense. Il abrite également dortoirs et appartements. Si la dictature d’Henver Hoxha fut, assurément, l’une des plus sanglantes de l’histoire de l’Europe contemporaine, ce bunker a-t-il été réellement transformé par la suite en lieu de détention pour les prisonniers politiques, en lieu de torture ? Les guides affirment que les ingénieurs chinois furent exécutés pour qu’ils ne révèlent pas l’emplacement du bunker. On en doute ! Si ce lieu permet de se souvenir de la terrible dictature albanaise, il est avant tout une machine à cash. C'est le triomphe du capitalisme !
...Parmi les sites visités ci-dessous:
Amérique : Mémorial du 11 septembre, Ellis Island, mémorial de l'attentat Pinochet, palais de La Moneda / Europe : Mémorial des crimes du communisme Sighetu Marmarei, Peyrepetuse, Montségur, Craonne, Oradour-sur-Glane, Mauthausen, Mémorial du génocide arménien, maison d'Anne Franck, maison de Ceaucescu, Quartier mussolinien de Rome, Sarajevo, Auschwitz, Drancy, Varsovie, Wannsee, Dachau, Berlin / Asie : Jakarta memorial, Cu Chi tunnels, tombe de Gandhi, jardin d'Amritsar, The War memorial of Korea, DMZ Corée, DMZ Vietnam, place Tien An Men, Killing Fields, Soedaemun Prison, S-21 / Afrique : Musée de l’Apartheid, Rufisque, Soweto / Proche & Moyen-Orient : Sabra et Chatila, mémorial Rafik Hariri
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