Petits moments de voyage, ces chroniques urbaines nous emmènent à travers le monde, de l’Orient aux Amériques en passant par l’Afrique. Métropoles mondiales ou régionales, bourgades mythiques ou villes cauchemardesques, nous vous embarquons donc sur les traces d’un tourisme urbain bien souvent jouissif ! Population urbaine mondiale en forte hausse (70% en 2050), ce tourisme est d’ores et déjà en pleine (r)évolution !
Métropoles latino-américaines
Deuxième ville d'Amérique latine au nombre de gratte-ciels, le skyline de Panamá City domine la mer des Caraïbes. En arrivant à Casco Viejo, le quartier historique classé par l'Unesco, l’ambiance est étrange ; les rues étroites non éclairées sont de véritables coupe-gorges. Le lendemain soir, il s’en faudra de peu que je me fasse dépouiller. Quartiers sordides de Mexico City ou de Ciudad Guatemala, insécurité très forte, Amérique centrale, tu es dangereuse ! À deux pas du palais présidentiel, le Café Havana est le lieu idéal pour déguster vos premières Panamá et Balboa, mais aussi pour préparer une opération en Amérique centrale, plutôt un coup tordu dont la CIA a le secret ! Habillez-vous en pantalon à pince et polo pour vous mettre dans la peau du Pierce Brosnan du Tailleur de Panamá !
Dans la plus grande métropole de son hémisphère, on se sent perdu dans l'immensité d'une monstruopole démographique où les discriminations raciales semblent bien ancrées. Si le centre-ville est le repaire des miséreux qui campent partout, à Praça da Sé et ses alentours, l'avenue Paulista et la rue Oscar sont les repaires des classes moyennes et des riches brésilien. Si la ville nous révulse, on ne s'y ennuie pas. Architectures audacieuses (travaux de Niemeyer, édifice Martinelli, theatro municipal …), visite du Páteo do Collégio rebâti à l’identique, centre culturel japonais, expositions photos à la fondation Moreira Meirelles, statue de Zumbi de Palmier, musée Afro-Brasil, collection de peintures de maîtres au MASP, balade avenue Paulista ou rue Oscar, vélo dans le parc Ibirapuera, il y a beaucoup à faire à Sampa, mégapole chantée par Caetano Veloso. De nuit, l’autoroute qui traverse une partie de la ville est fermée pour permettre aux sportifs ou aux piétons de s’en emparer et d’admirer d’immenses murs peints impressionnants. Honneur à Kobra ! Amoureux de foot, terminez votre visite par son musée ou un match à l’Arena Corinthians, l’antre d’un club mythique, celui de Socrates, philosophe et footballeur citoyen en lutte contre la dictature !
Nous nous envolons pour Ciudad Mexico. De Mexico, je ne me rappelle que l’immense place de la Constitution édifiée par les conquistadors entre 1521 et 1524 ; une partie est populairement nommée Zócalo. Il s’agit directement de rallier le site archéologique de Los Piramides qui porte bien son nom. LES pyramides… Grandioses, imposantes, colossales, les superlatifs ne manquent pas si l’on doit qualifier ce lieu. Les colosses sont plantés dans la vallée de Mexico, à quelques kilomètres de la monstruopole. On se balade entre les plus grandes pyramides mésoaméricaines jamais construites en Amérique précolombienne et dans de grands complexes résidentiels qui abritent de belles peintures murales aux couleurs bien conservées. Du haut des pyramides, on reste bouche bée devant la puissance de la pierre. Elles servaient à nourrir de cœurs et de sang les divinités voraces de la Mésoamérique. Nul doute que Téotihuacan était la plus grande ville de toute l’Amérique précolombienne, et même l’une des plus grandes du monde (200.000 habitants). Sur la route descendant vers le sud mexicain (Oaxaca, Chiapas, Yucatán), faites un stop à Puebla, une ville baptisée « Ciudad de los Ángeles »… « Dieu t’a envoyé Ses anges pour qu’ils te gardent sur tous les chemins que tu prendras » en est la devise !
Atterrissage à Buenos Aires, chez des amis de Benoît et Agnès. Avec Kévin, nous avions découvert les alentours de la Bombonera, l’Estadio Alberto J. Armando, situé dans le quartier de La Boca. Ce sont des immigrés génois qui ont fondé Boca Juniors en 1905, le rival historique de River Plate. Nous passerons également devant son stade. Je me rappelle avoir été frappé par la proximité architecturale de la ville avec celle des villes européennes. C’est d’ailleurs le style haussmannien qui a influencé grandement la métropole…, devenez un nouveau Paris à l’instar de Bruxelles, Madrid ou Barcelone ! Nous visiterons le Microcentro, Montserrat, Constitucion, Congreso, les quartiers de Palermo, San Telmo, la Plaza de Mayo. Nous sortirons dans les soirées aux côtés des Porteños. Dans la banlieue le long du Rio de la Plata, les quartiers résidentiels en imposent ! Sur les bords du fleuve, on croise forcément quelques passants un thermos sous le bras et une calebasse et sa bombilla dans la main. À Buenos Aires ou à Montevideo, le « thé des Jésuites » (le maté) cultivé par les Guaranis est roi ! Si près de l’Uruguay, il aurait été dommage de ne pas y faire un tour. Nous passerons un weekend à errer dans les rues de Montevideo. Sur les bords du rio, voici la jolie Colonia. Le quartier historique de la plus vieille ville du pays est un bijou pour celui aime les pierres et les maisons coloniales. Fondée en janvier 1680 par les Portugais, l’ancienne Colônia de Santíssimo Sacramento passa sous pavillon espagnol avant d’être prise par les Brésiliens. Et Charles Darwin y fit escale lors de son tour du monde. Que d’histoire(s) !
Nous débarquons à Bogotá de nuit. Le décor est planté : deux soldats sécurisent le quartier de la Candelaria où nous avons pris résidence. De jour, le centre est bien joli. Dès le premier instant ou presque, les rues se couvrent de fresques murales parfois de toute beauté. Le street art envahit les rues de la capitale. On s’en va rejoindre la basiliqe du Señor de Monserrate et son sanctuaire du Seigneur des Miracles, situé au sommet d’un cerro qui culmine à plus de 3.000 mètres. La basilique semble veiller sur la ville, la vue est belle, la balade qui suit bien sympatique. On rejoint le Musée Botero puis l’impressionnant Museo de Oro l’un des plus beaux du continent. Il abrite la plus grande collection d’ofèvrerie préhispanique du monde. Or, céramique, pierre, coquillage, os, textile, c’est une éclatante démonstration du génie des peuples amérindiens de cette période et de leur rapport avec la nature. Ainsi, on y apprend sur le chamanisme : médiateur entre les esprits et les vivants, le chaman utilisait rituels, musique et substances hallucinogènes et/ou narcotiques (coca, tabac, yapo, yagé/ayahuasca…) comme outil thérapeutique et pour entre en transe dans un but divinatoire. Après s’être essayé au tejo (une « pétanque traditionnelle »), nous quittons les Andes pour rejoindre la Cordillera Central et le joli pueblo de Salento. Todo esta bien en Colombia !
Chaque voyageur a ses références : pour Maghnia, Rio c’est samba et carnaval, pour moi bossa-nova, Belmondo dans L’homme de Rio et James Bond dans Moonraker. Maghnia a choisi une auberge dans les hauteurs de la favela« pacifiée » de Vidigal. Les voitures extérieures étant interdites, nous montons à l’arrière de 2 motos à l’assaut du moro pour rejoindre notre camp de base. Elle nous permet aisément de rejoindre les fiefs des Cariocas aisés que sont Leblon et Ipanema, devenue mythique avec la magnifique chanson d’Antônio Carlos Jobim et Vinícius de Moraes (The Girl from Ipanema) et qui connue un âge d’or dans les années 1920 à 1950 avec les artistes, progressistes et intellectuels de la ville, et les stars hollywoodiennes. La fille d’Ipanema est « tall and tan and young and lovely » et quand elle marche « she's like a samba » ! Dans Un château à Ipanema, Martha Batalha décrit la Cidade Maravilhosa comme « belle et dangereuse, riche et très pauvre, moderne à certains endroits et d’un autre siècle partout ailleurs » puis écrit « que d’impressionnantes collines avaient les pieds dans l’eau et que la forêt se dressait là où finissaient les faubourgs ». Celle-ci, Tijuca, est la plus grande forêt urbaine du monde et domine la baie, les plages, une nature luxuriante peuplée de singes, notamment ces petits capucins (des ouistitis) que l’on croise en redescendant d’un Christ Rédempteur en partie dans la brume. Au pied de la sculpture de 38 mètres, on aperçoit Zone Norte et un autre monument du pays, le Maracanã. Les deux plages mythiques sont surplombées par les pics jumeaux des Deux Frères. Notre longue marche passe par le somptueux point de vue qu’est Ponta do Arpoador. Si près de la ville et pourtant si loin, cachés par les broussailles et de sauvages rochers. Puis le long de la populaire et encore plus célèbre Copacabana. Sur ce croissant de lune de quatre kilomètres qui mélange habitants des favelas, sportifs, classes moyennes et touristes, il n’y a que courbes ; c’est le royaume du futvolley, de l’agua de côco et des botecos. Nos balades de long de mer se poursuivront à Botafogo puis Flamengo, des noms forcément connus des amateurs de futebol. Si l’architecture de la ville est loin d’être dingue, Rio possède un trésor, son site naturel peut-être unique au monde. Nous voilà au bord de la lagune, dans le quartier du jardin botanique, à Humaíta, dans l’aquário du Parque Lage à déguster quelques pão de quejo en compagnie de Juliana, team EF Cambridge de Maghnia, ou près des arches de Lapa. Un autel « vaudou » probablement à Eshu (un Orisha – esprit d’origine africaine –), des outsiders à côté de la plaque, des échoppes de rue avec des snacks de mauvaise qualité, Lapa est un peu Babylone, mais le quartier bohême de Santa Teresa et les fameux escaliers Selarón ne sont pas loin. Et surtout, on y boit des caïpirinha en écoutant de la samba !
C’est l’heure de donner sa chance au nord du Chili. Un très long trajet nous fait passer par le désert de Chacalluta à la frontière entre les deux pays. La file de véhicules bloquée à la frontière est immense. Arrivés à Santiago, nous retrouvons les parents de mon ami d’enfance (Marcello). Les Sepúlveda représentaient la diaspora sud-américaine qui trouva refuge à Fontenay-sous-bois la rouge. Marcello débarque d’Espagne, depuis le temps qu’on ne s’est pas vu ! On parle des heures avec Lénine, Sepúlveda père, de politique. Ces moments sont excellents. Les routes des Andes sont enneigées, les bus annulés. Allons-y pour l’avion ! Devant La Moneda, le palais présidentiel, je me rappelle des enseignements socialistes et communistes de mes parents. Des chansons de Victor Jarra, la voix de la colère chilienne, tournaient sur la platine. « Il n’y aura pas de révolution sans chanson » avait déclaré Salvador Allende. Avec amertume, les parents de mon ami nous font découvrir un mémorial plutôt dégueulasse : le lieu de l’assassinat manqué contre Augusto Pinochet, le putchiste du 11 septembre 1973. Les tombes de ses gardes du corps font face à la montagne. Début d’une dictature militaire, emprisonnement, assassinat ou exil de nombreux progressistes, intellectuels et musiciens, thank you the USA ! …Venceremos ! Depuis Santiago, nous rejoignons Valparaiso qui servit d’escale aux navires en route pour le détroit de Magellan. La ville fut un aimant pour l’immigration européenne (allemande, italienne…) et était surnommée par les marins la « Petite San Francisco » ou le « Joyau du Pacifique ». Depuis El Pan (la ville basse), nous rejoignons les Cerros (collines) dans laquelle la majorité de la population vit. Les habitations en tôle de différentes couleurs donnent à la ville son allure unique. Nous trouvons La Sebastiana, la maison de Pablo Neruda, qui donne sur la baie. Dans J’avoue que j’y ai vécu, il écrivait qu’« il n’y a rien de plus beau que de perdre le temps »…, à « Valpo » bien sûr !
Pour découvrir la ville, nous adoptons pour un free tour très loin d’en être un et qui se termine devant les statues du maître. À Bogotá ou Medellín, Botero l’Artiste local est omniprésent. Le soir, le centre-ville animé en pleine journée devient « craignos ». Dès la nuit tombée, l’atmosphère change très vite. À l’image des centres-villes des Amériques, il est temps de regagner une périphérie plus sûre et résidentielle. Comme dans tout le pays, nos balades sont souvent accompagnées par les merengues et bachatas du dominicain Juan Luis Guerra. Si notre voyage nous déçoit réellement, on apprécie grandement la force de la culture hispanophone ultradominate. Si les Gringos ont souvent imposé leur politique, ils n’ont pas réussi à modeler les pays hispanophones à leur pop culture. Et J-L. Guerra, est un bon exemple de ces héros hispanophones admirés… et même adulés dans le continent, à l’image de Simón Bolívar, figure emblématique de l’État se soustrayant de l’émancipation des colonies espagnoles. Il participa à l’indépendance de la Bolivie, Colombie, du Pérou, de Panamá ou de l’Équateur. El Liberator tout simplement ! Medellín offre de bons cafés, quelques plaisantes agapes (arepa, ajiaco bogotanaise, buñuelos, empanadas, tamal, bandeja paisa d’Antioquia) et surtout des chefs-d’œuvre de fresques murales. À Poblado, Jomag, Pirañas Crew ou Elemento Illegal ont pris le contrôle des murs tout comme les artistes de la Comuna 13 (Jomag, Chota, Fateone). Comme dans la favela d’El Pesebre, l’ancien coupe-gorge de la Comuna 13 a retrouvé la grâce… à l’art ! Independia 2, un quartier de la Comuna 13, jadis l’un des quartiers les plus dangereux de la ville, est devenu un temple urbain su street art et du hip-hop. Les murs racontent ainsi des histoires, celle de l’Opération « Orión » lancé par l’ancien président Uribe par exemple. L’armée et la police, appuyées par les paramilitaires, auraient « pacifié » la zone pour mettre en place la « politique de sécurité démocratique » du président. Plutôt pour faire la chasse aux FARC, à l’ELN, aux Commandos Armés du Peuple. Assassinats et disparitions forcées ont « nettoyé » le quartier faisant fi des Droits de l’Homme. Assurément un crime d’État ! À bord du métrocâble, nous survolons la ville et et probablement le quartier de Manrique dans la Comuna 3, où étaient recrutés beaucoup des sicarios d’Escobar. L’ombre du narco, comme au Barrio Pablo Escobar, continue de planer sur la ville. Au cœur de la guerre, qu’auriez-vous choisi ? « Plata o plomo », l’argent ou le plomb ?
Arrivés à Asunción, nous comprenons très vite que le centre est craignos à la nuit tombée et qu’« il n’y a absolument rien à faire, et c’est ça qui est bon » me whatsappe Tristan. Quand le petit Hard Rock Café devient un vrai lieu de visite, c’est qu’on est presque au fond du trou ! Le musée del Barro, qui propose une belle collection indigène, notamment des objets des Guaranis, nous sauve tout juste d’une nouvelle journée d’en ennui mortel. La culture indigène a d’ailleurs toute sa place dans le pays, et sa langue est officielle. Nous marchons beaucoup dans cette capitale qui ressemble à une ville de province en souffrance. Les rues et trottoirs sont défoncés, les ordures jonchent le sol, les lieux de sociabilité sont peu nombreux. Ce sont les habitants qui, aidés de leurs thermos pour le maté ou le tereré (du yerba maté froid) ou de leurs barbecues sortis en plein centre de la ville, qu’il est le plus intéressant d’observer. « Archi populaire » rajoute l’ami qui aurait très bien pu citer cette phrase de Manu Chao : « tous les globe-trotters du monde le savent, c’est dans les rues qu’ils se frottent à l’identité d’un pays, tant esthétique que politique, tant mystique qu’économique » !
Nous sommes à l’intérieur du Theatro Amazonas de Manaus, l’un de mes rêves de gosse depuis le visionnage du Fitzcarraldo de Werner Herzog. Un opéra au « cœur » de la jungle ! Du haut d’un mirador au Musée de l’Amazonie, on se rend compte de cet océan vert qui encercle la ville. De l’âge d’or du caoutchouc (fin XIXème), il reste un vaste port situé à 1.500 kilomètres et quatre jours de bateau des côtes (Belém). Si la cité est à notre grande surprise assez agréable, nous sommes ici pour l’Amazonie. À l’est de la ville, nous avons la chance de voir les dauphins gris qui habitent à la rencontre des eaux noires du Rio Negro et des eaux marron et boueuses du Rio Solimōes. C’est à la « rencontre des eaux » que ces deux affluents forment le fleuve Amazone, le fleuve de tous les superlatifs. Le fleuve draine 40% du continent et représente un cinquième du débit fluvial de la planète. On comprend aisément que les indigènes le surnomment « le fleuve mer » ou « océan » ! Nous rejoignons le lac Mamori pour 4 jours au milieu de l'Amazonie. Baby nous apprend à pêcher des piranhas avant d’observer les beaux dauphins roses de l’Amazonie (boto). Les indigènes de la région croient qu’ils se transforment en hommes ou en femmes pour charmer le sexe opposé. Je m’imagine incapable de survire dans cet enfer vert, et me remémore cette BD de Dany et Jean Van Hamme (Histoire sans héros) ou ces séries B voire Z (Anaconda – L. Llosa –, Cannibal Holocaust – R. Deodato –) par exemple. Notre dernière expérience de l’Amazonie est magique. Par un pur hasard, nous voilà à nager face à la monstruopole à quelques coudées de tucuxi, ces cétacés qui vivent dans le bassin de l’Amazone !
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