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Chroniques urbaines #7 - Balkan beat box!

Petits moments de voyage, ces chroniques urbaines nous emmènent à travers le monde, de l’Orient aux Amériques en passant par l’Afrique. Métropoles mondiales ou régionales, bourgades mythiques ou villes cauchemardesques, nous vous embarquons donc sur les traces d’un tourisme urbain bien souvent jouissif ! Population urbaine mondiale en forte hausse (70% en 2050), ce tourisme est d’ores et déjà en pleine (r)évolution !


 

Balkan beat box!


Je débarque à Sarajevo les idées assez claires pour trouver me frayer un chemin du minuscule aéroport jusqu'au quartier ottoman de Bascarsija en passant par un no man's land pas très motivant... Dans le seul pays à dominante musulmane d'Europe, l'appel des muezzins rythme les journées ponctuées par la découverte d'un centre charmant et la rencontre avec l'Orient : celle de l'art du café bosniaque et des cafés à chicha qui rappellent Istanbul, d'un caravansérail transformé en café, de cette madrasa devenue centre culturel, des minarets se mêlant avec harmonie aux clochers des églises orthodoxes, catholiques ou de cette synagogue ashkénaze. Sarajevo est un savant mélange, le mariage de la culture turque, slave, austro-hongroise, de la langue et de l'alphabet cyrillique, et des nombreux cafés d'Europe centrale. C'est la ville parfaite pour une aventure imaginaire de mon ami Corto Maltese ! La Yellow Fortress qui surplombe cette ville aux allures de Chamonix est prise d'assaut le soir venu par les musulmans pour l’Iftour. Un coup de canon marque la rupture du jeûne : familles, amoureux, amis, jeunes et vieux, femmes voilées ou en tenues décontractées s'y pressent pour profiter du spectacle du coucher de soleil sur les collines de la ville et partager un pique-nique souvent fait de yogourt, soupes, pizza ou pitas fourrées frites. J'accompagne 3 jeunes Bosniaques qui m'expliquent avec passion leur pays, leurs visions de la Yougoslavie de Tito et leur nostalgie des années passés. Le ciel s’obscurcit au moment où je rejoins les lignes d'un tramway désuet. C'est alors que des centaines de personnes se massent sur le trottoir pour assister au passage d'un camion qui transporte les corps de nouveaux charniers découverts... Direction Srebrenica pour l'enterrement et la commémoration des 20 ans du massacre (ou génocide ?) de 8.000 Bosniaques musulmans par les armées serbes de Milosevic, Mladic et autres tortionnaires qui, pour certains, finissent leurs jours en Serbie voisine. Je rencontre des Turcs, en route pour Srebrenica, venus se remémorer les horreurs de cette guerre. Sarajevo porte les meurtrissures d'un XXème siècle cannibale : plaque commémorative de l'assassinat de François-Ferdinand et sa femme Sofia (1914), prélude et prétexte à un premier conflit mondial attendu avec impatience par les grands industriels européens, souvenirs faits à la main à partir de douilles ou de mortiers, nombre incalculable de maisons criblées de balles, tunnel qui a permis à l'armée bosniaque de soutenir les 4 ans de siège en 1992 et de sortir du goulet d'étranglement que constituait l'aéroport contrôlé par l'ONU mais bombardé par le voisin serbe. Avant de quitter la ville, la découverte des sources de la banlieue d’Ilidza me permet d'évacuer ces moments peu joyeux dans un cadre magnifique, celui d'une Bosnie qui, assurément, a beaucoup à offrir...


La Yougoslavie de mon enfance, celle des Vlade Divac ou Mihajlovic a disparu depuis bien longtemps. Celle de mon imaginaire nourri par les Chat noir chat blanc, Underground ou La vie est un miraclepas vraiment. Le taxi qui m'emmène dans le centre de Belgrade me transporte illico dans un Kusturica. Musique des Balkans, chauffeur qui, la clope à la bouche, enchaîne les blagues en compagnie de Vladimir mon voisin d'avion... me voilà en Serbie ! En compagnie de Doriane et Émeline, je découvre la ville qui, avouons-le, est d'une rare laideur. L'architecture des années Tito rappelle celle du socialisme réaliste de Varsovie, le joli centre-ville en moins ! Heureusement que Doriane qui connaît bien la ville nous guide à travers le marché, les quelques graffitis plutôt quelconques, la forteresse Kalemegdan qui domine les boucles assez majestueuses du Danube et de la Sava puis à Ada pour une après-midi « chill » dans l'un des nombreux beach bars qui longent le lac artificiel Giganlija. La chaleur écrasante nous conduit dans une eau transparente... La bonne blague. Sur le chemin, 2 buildings portent les marques des bombardements de l'OTAN. Charmante attention ! Il y a des hostels que l'on apprécie pour leur emplacement, leur calme ou leur ambiance. Le Crib est rempli de voyageurs des 4 coins du monde et c'est ça qui est bon ! Emeline me conduit au Magic Garden. S’il n'a de « garden » que le nom, la musique blues qui accompagne presque ma première Jelen est bien « magic ». Le lendemain, on file visiter la plus grande cathédrale orthodoxe du monde (Saint-Sava), engloutir un Pleskavica plutôt « fat » (sandwich d'agneau et de bœuf aux oignons et ajvar, une sauce à l'ail, aux poivrons, aubergines et piment) puis au mausolée de Tito (Maison des Fleurs). Le grand architecte de la Yougoslavie et du non-alignement du temps de la guerre Froide y est enterré avec son épouse au milieu des innombrables bâtons qui servaient à la jeunesse de relais-témoin lorsque pour son anniversaire, celle-ci traversait le pays. Vladimir nous embarque sur son bateau à travers le Danube et les berges de la Sava qui accueillent les bars branchés de Belgrade. On s'arrête dans un café « hipster » excellent. Nous rejoignent Vladimir et sa sœur Jiovana qui fête ses 26 ans. C'est le début d'une nuit assez folle, de bar en bar, de squat à un appartement du nord de la ville. « Fuck the cola, fuck the pizza, all we need is sljivovica ! » ?


Du Pirée, le port d’Athènes, je rejoins en quelques heures Thessalonique, l’une des capitales culturelles et économiques balkaniques. Fondée par Cassandre de Macédoine en -315, elle porte le nom de la fille de Philippe de Macédoine le père d’Alexandre le Grand. Saint Paul y diffusa l’Évangile au Ier s., les Juifs séfarades y ont trouvé refuge lors de leur expulsion d’Espagne comme les ashkénazes qui ont fui les pogroms d’Europe de l’est. C’est la ville de naissance de Mustafa Kemal qui deviendra Atatürk, celle d’un mouvement messianique juif et des premières loges maçonniques régionales, celle enfin des Sabbatéens, ces disciples du messie juif autoproclamé Sabbataï Levi qui se convertiront à l’islam.


Skopje est d’une rare laideur : les statues immenses et ridicules qui ont couté une fortune sont partout. Certaines ressemblent à l’Homme soviétique, d’autres rappellent que le pays a une histoire riche à défaut d’être vraie. J’ai lu un jour sur un mur de West Belfast (le berceau du Sinn Féin et de l’IRA), « l’Histoire est écrite par les vainqueurs ». Les Grecs sont furieux car un colossal Alexandre le grand est érigé en plein centre de la ville. Comment construire une Nation ? En créant des mythes communs ! Le début de l’Histoire macédonienne. Lorsque les Grecs me demandent où je vais, ils me disent que la Macédoine est grecque et que ce pays n’existe pas. D’ailleurs le nom du pays a été changé lorsque celui-ci a rejoint l’ONU. Non loin, je me rends dans le canyon Matka en compagnie d’une Australienne. Ozie et Kiwis, qui fuient l’hiver austral, sont partout !

Vient ensuite Pristina, capitale du Kosovo. Quel est donc ce pays indépendant depuis moins de dix ans ? Je ne sais pas trop. Ce boulevard qui porte le nom de Bill Clinton est-il un élément de réponse ? Tu es au Kosovo serbe dirait probablement un Serbe ou un Russe, au Kosovo albanais dirait plutôt Tirana. Pristina, qui doit concourir pour le prix de la capitale la plus laide de la région, m’apporte pourtant quelques éléments intéressants : les drapeaux albanais sont partout, les magasins vendent des hijabs, les mosquées dominent à nouveau le skyline urbain. Dans les campagnes, tout semble neuf, les maisons et bâtiments dont les peintures ne sont même pas faites, sont nouveaux. Le début d’une histoire kosovare.


Le Pont-Euxin comme l’appelait les Grecs offre de belles perspectives. Plovdid règne sur les plaines agricoles du sud du pays. Il s’agirait de la plus ancienne ville d’Europe encore peuplée, probablement de l’époque mycénienne il y a plus de 4.000 ans. Les Romains en ont fait un carrefour commercial ; voici donc un théâtre très bien conservé, un odéon, des thermes. Centre du mouvement démocratique à l’époque communiste, Plovdid fut le pendant de Gdansk la polonaise. Nous sommes dans la ville de Hristo Stoitchkov qui, à la tête d’une génération exceptionnelle de footballeurs (Kostadinov, Letchkov, Balakov), crucifia la France un soir de novembre 1993. Point de Mondial états-unien pour la triplette magique Papin-Cantona-Ginola, une quatrième place bien méritée pour les Bulgares ! À la sortie du théâtre romain, une plaque indique qu’Alphonse de Lamartine a séjourné ici lors de son Voyage en Orient. C’est une très belle découverte que cette ville, mais ce sont désormais les rives de la mer Noire que nous visons, la métropole régionale de Varna, pourmon économique de la région. Nous voici sur la ligne de chemin de fer Plovdiv-Bourgas de la fin du XIXème siècle. Ce sera le début d’un voyage marqué par de nombreux trains. Après des jours de kavarma (le ragoût bulgare), de feuilles de vigne ou de tarator (une soupe estivale froide faite de concombres, noix, yaourt, d’ail et d’aneth), nos papilles attendent quelques produits de la mer. Sur ce littoral, on déguste de la carpe ou du poisson-chat. Pas de bol, l’insipide salade shopska et sa montagne de crudités et de sirene (un fromage de type fêta) sera toujours au rendez-vous !


Il est temps d'avaler un burek, un yogourt, de visiter les rares lieux d’intérêt de Tirana : la mosquée Et'Ehem Bey, le parc, le Blok, ancien carré des dirigeants du régime où Hoxha avait sa résidence. Je recherche des tekes, lieux de culte des Bektâchî, une secte chiite basée sur le mysticisme soufi qui tolère la consommation du porc et de l’alcool. Direction Blagaj à quelques kilomètres de la capitale ! Nous avons pris nos quartiers dans une chambre honteusement merdique du centre névralgique du pays. Si le Filou rêve de revenir au « pays des aigles », c’est probablement pour y squatter ses innombrables cafés. Le cauchemar des Albanais est palpable dans la Maison des Feuilles, symbole de l’occupation fasciste, puis siège de la Gestapo, enfin du régime stalinien d’Enver Hoxha. Trois cartes du célèbre jeu des Sept salopards ! Après les objets du NKVD à Kaunas, voici ceux de la Sigurimi (Direction de la sûreté de l’État) : c’est encore La Vie des autres que l’on espionnait ! Plus loin, nous sommes dans les entrailles de l’un des 600 ou 700.000 bunkers construits dans le pays entre 1967 et 1985. Avec une casemate pour 11 habitants, la « bunkérisation » d’Hoxha poussa le pays à la ruine et révéla la paranoïa de son chef, hostile au bloc de l’Ouest, à l’URSS, la Chine ou à l’ex-Yougoslavie. Le pays fut donc complétement isolé du reste du monde pendant 2 décennies. La capitale est écrasée par un soleil de plomb, la température ressentie dépasse les 40. Vivement les montagnes !


2h du matin dans le quartier du marché aux puces de Monastiraki, me voilà à la chasse au rebétiko. Née de la rencontre des réfugiés d'Asie Mineure et des émigrés de la Grèce des îles et du continent dans les faubourgs pauvres du Pirée dans les années 1920, ce genre musical qui m'est inconnu, est la voix des déracinés et des classes populaires. Dans ce téké niché en face de ma guesthouse jaillit la voix magnifique d'un Grec qui chante quelques en+ehno accompagnés de guitares. Le lendemain, cette même voix mélancolique, accompagnée cette fois d’une derbouka et d'un santouri, me transporte via des influences stambouliotes dans les rues de Smyrne. Chante-t-il, à la manière de ces rebétès fumeurs de narguilé et de haschisch, le monde des bas-fonds, de la drogue, de la prison, de la prostitution, un amour malheureux ou se plaint-il de l'ordre policier et bourgeois ? Ces « blues grecs » envoûtants me font comprendre les mots de Jacques Lacarrière (L’Été grec), qui écrivait : « pour moi, c'est d'abord cela, le rebétiko : une atmosphère autant qu'un chant, des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d'ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis ». Après une belle balade à travers le centre-ville à la découverte des ruines du temple de Zeus ou du jardin botanique, je tombe sur un concert de rue. Une rebétissa à la voix harmonieuse se joue à merveille des accords du bouzouki (traditionnel cousin du oud) et du typanon, ce tambour utilisé exclusivement par les femmes au cours de cérémonies religieuses ou de cultes orgiaques. Voici venue le temps du premier gyros. « OMG, it's amazing ! », « Awesome » diraient des Américains en voyage dans la région. Nous voici à marcher dans de petites ruelles, profiter de cafés de jolies places fleuries ou déguster quelques mezzés. Ça tombe bien ! C'est toujours l'heure de l'apéro même non accompagné d'un ouzo ou tsikoudia. Anis, tu n'es point mon ami ! Nous observons avec amusement que les jeunes Grecs portent presque tous la barbe et fument du tabac roulé, qu'ils et elles ont un certain charme, que la ville est pleine de graffitis ou de murs de street art. Il est temps d'aller découvrir les traces de la Grèce antique. Athéna Parthénos protégeait dans un lointain passé la ville de l’appétit vorace des cités grecques. Si du sommet de la montagne sacrée la vue est très belle, je me demande tout au long de notre visite pourquoi l'Acropole est l'un des sites archéologiques les plus fameux du monde. Quelques ruines, de vieilles pierres, rares sont les vestiges qui en valent la peine. Acropole, tu me déçois... Seules les Caryatides, ces statues qui figurent sur le baldaquin de l’Érechthéion (lieu de la dispute entre Athéna et Poséidon), ou le théâtre de Dionysos ont encore de beaux restes. Diable, où est donc le Parthénon ?!! Nous redescendons la Voie Sacrée en direction de l'ancien cœur de la cité : l'agora. Voilà de beaux vestiges de la Grèce antique ! Le portique d'Attale construit par le roi Attale II de Pergame nous donne une jolie idée de ce que devait être cette galerie marchande où le peuple se réunissait tous les 4 ans pour admirer la procession des Panathénées. Le temple d'Héphaïstos, le dieu des forges, est un superbe temple dorique bâti sous les ordres du fameux Périclès. Platon, Socrate et leurs élèves se réunissaient dans cette agora à l'époque de la grandeur de la cité athénienne.


Dès nos premières heures à Héraklion, nous sommes interloqués par l’abondance de messages politiques, souvent anarchistes ou révolutionnaires, qui tapissent les murs. Dès les premiers jours, la chaleur prend le dessus : ce sera au café que nous passerons la majorité de notre temps. Au cœur de la mer Égée, il est nul besoin de se rapprocher du soleil pour voir la cire d’Icare fondre tant il fait chaud ! La mythologie nous accompagnera tout au long de notre voyage. Si la visite du célèbre palais de Cnossos ne nous transcende pas, un documentaire nous donne l’ampleur du génie d’une civilisation minoenne pluri millénaire. Fresques, artisanat, jeu de société, administration palatiale, architecture antisismique (colonnes en bois), cités multiples et commerce international avec l’Égypte ou les Cyclades, la thalassocratie minoenne fut l’une des plus vieilles et puissantes civilisations d’Europe. Nous le comprendrons encore plus lors de la visite du Musée Archéologique. Elle inventa ainsi l’un des tout premiers systèmes d’écriture, avant même les Phéniciens. « Knossos a pour port Héraklion » a écrit notre maître Strabon. Nous voilà à la découverte de cette ville, de ses témoignages historiques, de la forteresse vénitienne aux traces laissées par les Ottomans. Héraklion est aussi le début de notre régime crétois : salades grecques et crétoises agrémentées de ces olives appelés Éliés, souvlaki, gyros « à la grecque », spanakopita (aux épinards et feta), fromages grecs ou turcs, pâtisseries à la pâte filo turque, bougatsa de Chania ou tzatziki, nous faisons honneur au pays. Si la ville a tiré son nom du héros grec Héraclès auquel les Crétois avaient voué un culte, les mythes sont ailleurs. Partout en Crète, la figure du taureau est omniprésente : dans les rues, dans les mythes ou à Cnossos où des voltigeurs mettaient leur vie en danger afin d’amuser le palais. Il est temps de quitter la ville de naissance du Greco - inspirateur de Picasso et J. Pollock, et fondateur de l’École espagnole du XVIème siècle - pour remonter vers l’ouest en direction des bulles de Champagne qui semblent s’échapper de la magnifique mer de Crète...


La mer est agitée et le trajet pour Rhodes ressemble à un moment de souffrance. Nous débarquons dans une île qui m’a toujours fascinée, la faute à la dernière planche de Fables de Venise (1977). En franchissant les portes d’une porte secrète vénitienne, Corto Maltese se retrouve sur les quais de Rhodes et bascule dans une nouvelle aventure (La maison dorée de Samarcande, 1980). Reprenant ses esprits, il part à la recherche des notes grecques de Lord Byron caché « sous la lune de la mosquée Kawaly », en fait la mosquée de Suleiman qui marque le début de notre dernière semaine dans le Dodécanèse. Boucles à la minoenne et « profil grec », Cassandre, l’amie du Maltais, lit l’avenir dans le marc d’un café (noir) grec si réputé. Honte à nous de l’honorer uniquement frappé et sucré ! Nous avons posé nos sacs dans les intérieurs de la cité balnéaire de Faliraki. C’est au sud que se trouve la baie Anthony Quinn qui porte le nom du géant d’Hollywood à la suite du tournage des Canons de Navarone. Faliraki est sans charme et sa plage bondée. Nous remontons la côte sous le vent pour rallier la cité médiévale, celle des Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le parfum des Croisades et de l’Orient n’est plus très loin, la Turquie à quelques kilomètres, les Terres Saintes à deux pas. Après l’expulsion des croisés de Jérusalem, l’ordre militaire hospitalier s’installa à Chypre avant de conquérir Rhodes. L’Ordre édifia ainsi d’impressionnantes murailles, rempart de la Chrétienté contre les Sarrasins, le palais des grands maîtres et les « auberges », résidences organisées par langue pour les chevaliers/croisés. Nous pénétrons dans la belle Auberge de France avant de partir à la recherche de quelques traces d’un quelconque colosse ! C’est la déception, car nulle part ou presque il est mention de la merveille antique. Ce fut pourtant la septième merveille du monde bordel ! Depuis Rhodes, nous rallierons Santorin, l’iconique île des lunes de miel et des instagrammeurs merdiques. L’insupportable chaleur ne nous permettra point d’en profiter. Un calvaire !


Sur la route de Sofia, nous nous arrêterons à l’intérieur du pays, dans l’agréable Velicko Tarnov bâtie à flancs de collines, puis à Kazanlak pour pénétrer à l’intérieur d’un tombeau thrace. Aucun de nous deux ne s’attendait pas à ces fresques de toute beauté… En voilà de belles t(h)races de l’histoire de la Bulgarie ! Nous sommes donc dans l’ancienne Thrace, la région de naissance de Spartacus, « homme d’une grande force de corps et d’âme, d’une douceur et d’une intelligence supérieures à sa fortune, et plus dignes d’un Grec que d’un Barbare » (Plutarque) mais surtout le responsable du plus grand soulèvement d’esclaves de l’histoire romaine avec ses compagnons gaulois Crixus ou Œnomaüs. Gloire à Kirk Douglas et surtout au maître suprême Stanley Kubrick de s’être attelé au péplum (1960) ! Enfin, nous faisons halte dans la ville-musée de Koprivchtitsa et ses superbes maisons d’époque avant de rallier une capitale loin de faire rêver. Sorti de l’immense place Saint Alexandre Nevski, il n’y a pas grand-chose à admirer pour les Soufiotes ! Ses alentours (campagnes, monatgnes, sites religieux) valent pourtant un sacré détour. Derniers jours, dernières heures en Bulgarie, la journée est superbe… ou presque ! Au lendemain d’un des meilleurs restos de la capitale, c’est le coup de mou. La montée vers les Sept Lacs de Rila est une souffrance, je monte comme un vieillard, un malade. Maghnia s’en va légitimement vers un plus haut panorama à près de 2.500 mètres. Malgré la fatigue, c’est franchement superbe. Tout comme l’impressionnant complexe monastique orthodoxe de Rila, symbole de la Renaissance bulgare, fondé par un ermite au Xème siècle. On s’enfile quelques « mekitsi », des beignets que l’on saupoudre abondamment de sucre glace. Ascétique, mystique, « gastronomique », magique !


C’est sous une température glaciale que nous débarquons à Zagreb pour cette fin d’année 2007. Nous décidons de partir vers le sud pour un vendredi soir sur la côte dalmate. Les températures sont bien plus clémentes, méditerranéennes même. Des rues étroites, de jolies maisons en pierre, des ferries…, Split a « un petit air de Provence et un grand air de Méditerranée ». L’empereur Dioclétien a laissé dans la ville un magnifique héritage, à l’image de son palais ou de son mausolée situé dans la cathédrale de Sveti Duje. Avec ses remparts romains et les ruines de la cité romaine de Solona nichée entre oliviers, vignes et collines rocheuses, c’est franchement superbe. Nous passons le 31 dans deux bars de la cité dalmate. L’un, full, a une place de roi sur le port non loin des eaux limpides de la mer Adriatique. Peu après minuit, un jeune Croate sans le sou me demande mon téléphone pour envoyer un sms de bonne année. J’hésite mais bon, soyons généreux tout en fixant mes limites. À l’heure de le récupérer, il semble déjà attaqué par l’alcool. Il y a embrouille, le ton monte et Kévin, qui prend ma défense, se retrouve marqué par une méchante droite… Étrangers, nous serons virés par la sécurité ! Mon acolyte rentre pendant que je vais chercher la police touristique. Sous protection, je débarque dans le bar en faisant un scandale. Au climax de la soirée de l’année, je fous tellement l’oaille qu’il n’y a plus d’ambiance, ne serait-ce qu’une once de musique. Le patron en prend pour son grade. C’est en foutant la merde que je retrouve donc mon téléphone… C’est un peu le fruit du hasard qui nous emmène dans la petite Trogir. Probablement parce que je n’ai aucune attente, cette découverte est grandiose ! La route entre Split et Dubrovnik est « d’une beauté à en pleurer » ; le court passage sur le territoire bosniaque est cocasse. La ville était autrefois la capitale d’une république maritime, rivale de Venise, sous le nom de république de Raguse. « La liberté ne se vend pas même pour tout l'or du monde » annonce sa devise. Les remparts sont de toute beauté et longent l’Adriatique, que Fernand Braudel désignait comme l’une des « plaines liquides ». Un jour, peut-être, je me plongerai dans la série qui fera de la ville une attraction touristique surblindée ; ce sera sûrement dans un papier cadeau offert par mister Bocquet que je trouverai Games of Thrones !


Nous décidons d’explorer la Roumanie à l’occasion de la Pâques orthodoxe. Dès notre arrivée dans la capitale, le soleil fait défaut. Il nous fuira la grande majorité d’un voyage marqué par la grisaille et la pluie. Je ne m’attends à rien de Bucarest, qui, au final, se révélera plutôt charmante. Dès le premier jour, nous comprenons l’importance de Pâques pour les orthodoxes. Plus que Noël, c’est leur Graal. À cette occasion, les Roumains peignent des œufs pour décorer la table pascale ou pour offrir ; le rouge, couleur la plus utilisée, rappelle le sang du Christ. Nous voici devant le palais du Parlement, plus grand bâtiment en pierre du monde avec ses 350.000 mètres carrés. À l’imposante place de l’Indépendance et à ce bâtiment pharaonique répond un centre bien joli et une périphérie agréable où Nicolae Ceaușescu avait sa résidence. Celle-ci est à l’image de la mégalomanie d’un homme d’État qui se décernait lui-même les titres de « Conducator », de « génie des Carpates » ou de « Danube de la pensée » … ; ça fait beaucoup pour un seul homme ! La « ville de la joie » pour les écrivains roumains est donc plus belle que prévue et très propre. Nous sommes interloqués par de petits détails comme les petites cartofisseries spécialisées dans la cuisson des pommes de terre ou le nombre de boutiques fermées. Loyers excessifs ? Crise économique ? Pourtant, jour après jour, le pays nous semble dynamique. Mes représentations d’un pays « arriérés » et « en retard » s’estompent à vitesse grand V. Nous rallions les différents points d'intérêt de la ville avec joie en passant devant bon nombre de restaurants et de cafés alléchants, de bars steampunks excellents ! À quand sur Paris ?!


On rejoint Podgorica, une capitale dont on se demande qui pourrait y vivre. Après un rapide tour dans le centre historique, il est l’heure de faire des recherches dans un restaurant réputé de la ville. « Visiter Podgorica » sur un moteur de recherche nous fait réaliser que nous avons presque déjà tout vu. C’est bien laid et on s’y fait, très vite, chier! Entourée par des collines et montagnes, la ville annonce toutefois ce que seront nos journées monténégrines. Un train remonte le pays, c’est donc l’opportunité d’observer les paysages. C’est tout simplement splendide !


Mes souvenirs architecturaux de Belgrade, Sarajevo, Skopje, Zagreb sont effacés, dès le premier jour, par une architecture bien plus baroque, Art nouveau, Renaissance dans certains quartiers. L’Autriche n’étant vraiment pas loin, la ville a été fortement influencée par le style des villes de Graz ou Salzbourg. Nos balades dans le centre-ville me rappellent donc ma virée autrichienne dans le camping-car familial ! La vieille ville nous offre de belles émotions dans le quartier de l'hôtel de ville et dans celui des Chevaliers de la Croix où se situent l’église des Ursulines. Nul besoin d’avoir des bottes de sept lieux pour franchir aisément les nombreux ponts des petites rivières Ljubljanica et Save. Le pont des Dragons construit par les Austro-Hongrois est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du style Sécession viennois (Art nouveau). Il me permet de vous conter une très belle légende. Jason et ses Argonautes, qui auraient trouvé la Toison d'or en Colchide, se seraient dirigés vers le Danube. En remontant le fleuve, ils se seraient dirigés vers son affluent la Save puis jusqu'à la source de la rivière Ljubljanica. Ils démontèrent le bateau pour le transporter jusqu'à la mer Adriatique pour retourner chez eux. Entre les municipalités actuelles de Vrhnika et de Ljubljana, les Argonautes trouvèrent un grand lac entouré d’un marais. C’est là que Jason terrassa le monstre aujourd’hui présent sur le blason et le drapeau de la ville. Légendaire histoire !

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