Singapour & Indonésie (Java) - En attendant les Célèbes
Dernière mise à jour : 27 janv. 2023
Singapour & île de Java (Indonésie). Juillet 2019
À peine atterris à Kuala Lumpur, nous rejoignons Melacca. C’est mon troisième passage dans cette ville toujours aussi calme. KL paraît déjà très loin. Je suis heureux de prendre le temps de m’y arrêter en compagnie de Maghnia qui paraît sous le charme. Qui n’aimerait pas se balader dans ces vieilles rues remplies de temples, de petits cafés, de maisons anciennes, de témoignages de son riche passé colonial ou le long du canal de la « Venise de l’Orient » ? Melacca a des airs de Chine avec son énorme communauté sino-malaisienne, très nombreuse de Penang à Johor. Nous voici dans leur quartier à découvrir les temples Poh San Teng et Cheng Hoon Teng. Une halte pour goûter l’une des spécialités de cette cuisine proche des gastronomies du sud de la Chine (fujian, cantonaise et hakka) s’impose : Loh Mee, Mee Kari, Ayam Kari ? Le choix est cornélien. Non loin, un musée rappelle que les « Chinois de Malaisie » sont les descendants des premiers immigrants installés dans la péninsule depuis le XIVème siècle. Négociants, ils épousèrent des femmes malaises, indonésiennes ou birmanes, firent souvent fortune auprès des Britanniques et développèrent un créole, le « baba malay » (mélange anglais, malais, hokkien). Nous quittons les « Chinois des Détroits » (Baba-Nyonga) pour visiter la ville. Musée maritime, Stadthuys, square hollandais, porte de l’ancienne forteresse portugaise ou ancien palais du sultan sont au programme. On y apprend que les marchands de Java, du Siam, du Gujarat, du Golfe persique ou de Chine venaient commercer et enrichir un sultanat dont l’influence se faisait sentir jusqu’à la limite de l’archipel indonésien. Mais aussi que la ville fut conquise par les Portugais au XVIème siècle, les Néerlandais au XVIIème, les Britanniques au XIXème. Je ne peux bouder mon plaisir de pénétrer dans le Hard Rock Café local. Voici la veste du Prince de Minneapolis. Nos déambulations nous emmènent par hasard à un mariage via le marché de nuit de Jonker Street. Régalade !
Il est temps de donner un peu de liberté à notre nouveau jouet. Drony, qui attendait sa première sortie avec impatience, nous fait profiter pleinement du détroit de Melacca. Vue du ciel, c’est (toujours ?) mieux. La mosquée qui fait face au couloir maritime en impose. Nous voici face à l’un des points stratégiques majeurs du globe, équivalent du canal de Suez. Nous l’enseignerons dès septembre à nos quatrièmes pour les raisons suivantes : plus de 50 000 navires l'empruntent chaque année, il représente près de 25 % du transport maritime mondial et la moitié du commerce maritime de pétrole. Tout simplement monstrueux. Longue de 850 km, l’autoroute des Détroits (Penang, Melacca, Singapour) pour les monstres que sont les porte-conteneurs venant de la mer d’Andaman finira sa route à quelques milliers de kilomètres dans les ports chinois. De Melacca à Singapour, il n’y a donc qu’un pas que nous empruntons dans l’un des bus tout confort qui desservent l’Asie. Maghnia tombe amoureuse de cette ville. Chère, elle est un poumon économique et de richesse dans une région en plein développement. Je comprends que ma douce aime son calme, sa propreté et sa verdure omniprésente. Singapour, la « ville-jardin », devient peu à peu la « ville dans un jardin ».
Me voici de retour dans cette prouesse architecturale que sont les deux dômes de verre du Garden by the Bay : on pénètre dans un jardin botanique de toute beauté avant de poursuivre par l’ascension de The Cloud Mountain d’où s’échappe une cascade artificielle de 35 mètres. Nous finissons la descente de la structure par un Lost World qui porte bien son nom. Je rêverai de montrer le site à ma mère. C’est une expérience hors-norme, tout simplement. Après l’opéra de Sydney, il fut pour moi un choc. Des années plus tard, c’est toujours le cas. Voici venu le temps d’une balade nocturne suivi du spectacle son et lumière sur la canopée faite d’arbres artificiels. Avec vue sur Singapour et les 3 sœurs du Marina Bay Sands, c’est tout simplement grandiose. Là-bas à 200 mètres de hauteur, une piscine à débordement domine la ville du millénaire. Nous profitons des derniers moments de la nuit pour rallier la baie et assister au lever de soleil sur Marina Bay Sands. Le soleil bientôt sorti de son lit, nous rallierons le nôtre situé dans un capsule hotel charmant et idéalement placé. Nous ne pouvons quitter Singapour sans s’émerveiller devant le célèbre hôtel Raffles de style colonial. Conrad, Kipling ou Chaplin y séjournèrent. Ouvert en 1887, il fut nommé en l'honneur de Sir Thomas Raffles, citoyen britannique et fondateur de la ville. Je me délecte d’un Singapore Sling là où le fameux cocktail fut inventé. Il ne pouvait en être autrement !
Si Singapour impressionne, mes réticences sont toujours aussi nombreuses. Singapour, c’est un peu Wisteria Lane : trop propre, trop calme, trop parfaite. Avec ses milliers de caméras, la ville semble hyper sécurisée. Big Brother is watching you ! Les travailleurs semblent des soldats du libéralisme triomphant et des consommateurs dopés aux magasins de luxe dans des centres commerciaux ultra-modernes et climatisés. Les déviants n’ont, à coup sûr, pas leur place dans cette société de « winners » ! Ville aseptisée, citoyens clonés, Singapour ressemble comme deux gouttes d’eau à un épisode de Black Mirror. Pour le meilleur et pour le pire ? Maghnia est déçue par Haji Lane, moins par le quartier arabe, agréable et coquet. Le soir, nous laissons une partie de notre porte-monnaie au marché nocturne de Newton. La faute aux langoustes ! Métro puis charters desservent l’île de Sentosa, symbole de la société de consommation. Allons-nous éclater dans le petit parc à thèmes mais terriblement efficace des studios Universal. De cette journée, nous retiendrons des musts : les montagnes russes inversées de Battlestar Galactica, la 4D hallucinante de Transformers, le superbe Revenge of the Mummy, le spectacle de Waterworld ou le Shrek 4D ! Nous finissons cette journée avec un Donkey Show à mourir de rire. Un dernier tour devant la statue ridicule du Merlion, un animal à tête de lion et au corps de poisson créé dans les années 1960, et nous voilà en route pour l’aéroport Changi. Simple aéroport ? Élu meilleur aéroport du monde depuis 6 ans, Changi possède une piscine, des salles de cinéma gratuites, une plantation d’orchidées, un jardin aux papillons et surtout la plus grande cascade intérieure du monde (40 mètres) abritée au sein d’une réplique miniature de The Cloud Forest… Nouvelle claque architecturale, c’est magistral !
Nous voici au nord-ouest de Java, une région que Fourchette, le nouvel ami de Buzz et Woody, aurait adoré. C’est sale, dégueulasse même. Jakarta est étouffante, invivable. C’est le genre de monstruopole que seule une démographie non maîtrisée et des infrastructures à la peine peuvent enfanter. Elle serait d’ailleurs la deuxième métropole la plus peuplée du monde derrière Tokyo. Les ruelles qui nous emmènent vers une laverie de fortune transpirent les égouts et la crasse. Ces quartiers à 2 doigts de l’hôtel sont à coup sûr privés d’accès à l’eau potable comme 40% des habitants de la ville… « The Big Durian » ou l’enfer sur terre. En raison d’une circulation chaotique (le mot est faible), il faut des heures pour rallier les quelques « centres d’intérêt » de la capitale : l’ancien Stadhuys de Batavia la néerlandaise, le musée du wayang ou le monument national. Nous arriverons même trop tard pour voir le mémorial dédié aux victimes des meurtres de masse de 1965-1966. La purge anticommuniste organisée par l’armée indonésienne marqua le début du règne de Soeharto, l’un des innombrables dictateurs des amis-ricains. Elle décima le parti communiste (PKI) et écarta du pouvoir Soekarno, l’architecte de l’indépendance et l’une des figures de proue du Tiers-Mondisme (l’organisateur de Bandung). Réputée pour sa street food, Jakarta déçoit encore. Vive les Pop Mie ! Le sourire des enfants de Kelapa harbour puis la découverte du wayang (marionnettes traditionnelles) en compagnie d’un vieux passionné nous donne du baume au cœur. Il nous en faudra davantage pour nous remettre de la déception Bogor, pourtant qualifié de « petit village romantique » par Thomas Raffles. Entourée par les volcans, la « ville de la pluie » connaît plus d'orages que n'importe quel autre point de la planète. Elle nous laisse quand même le temps d’une balade au milieu des plantations de thé. La chaleur, l’humidité ou les fumeroles soufrées du mont Salak ont raison de moi : au sortir d’une jolie randonnée à la découverte d’une solfatare dans le cratère du volcan, je tombe malade. La partie époustouflante de Java orientale semble à des années-lumière. C’est plein de regrets que nous quittons l’île pour rejoindre les Célèbes. Sans avoir vu Borobudur et le Bromo pour Maghnia (c’est ma faute !), ni le Krakatoa pour moi, Sulawesi, nous comptons sur toi !
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