Si les gourmands trouvent des mets tout ce qu’il y a de typiques auprès des innombrables marchands ambulants, vendeurs de soupe, de nouilles, de poisson ou encore de riz sauté, et dans les mille et une gargotes que l’on rencontre au bord, voire sur les canaux, ou le long des ruelles de Bangkok, singulièrement dans ce fameux quartier de Khaosan Road, rendez-vous presque incontournable de tous les routards de la planète, c’est en entrant quelque peu dans les terres que l’on découvre pleinement la richesse et la diversité de la gastronomie thaï. Une gastronomie tout ce qu’il y a d’inventive, en appelant à une foule d’ingrédients, fruits, légumes et épices en tête, et s’étant largement enrichie de l’influence des peuples limitrophes, notamment les chinois.
Au “pays du sourire”, inutile de chercher un couteau. Comme dans l’Empire du milieu, au Laos, au Cambodge, au Vièt Nam ou encore en Birmanie, tous les ingrédients sont découpés, émincés ou pilés avant de s’offrir à votre gourmandise. Souvent très raffinée et faisant la part belle à l’art de la sculpture des légumes ou des fruits, la cuisine en appelle aux quatre saveurs, sucré, salé, acidulé et le pimenté. On les retrouve dans pratiquement tous les repas, au travers notamment le sucre de palme, la sauce de poisson, la citronnelle et ces inévitables piments vous emportant la gueule dès la première bouchée ! Si les enfants du verger et du potager occupent une place essentielle, à l’égal des épices, le riz est incontournable. De longs grains, avec beaucoup de finesse et des saveurs de jasmin. Il faut dire que les rizières ne manquent pas, notamment dans la vaste vallée de la Chao Praya, axe majeur de transport et de commerce irriguant l’essentiel du pays, Cité des Anges comprise. Pour calmer les démons, les bonzes en robe safran bénissent les semences ! Base de toute nourriture, le plat de riz trône généralement au milieu de la table, ou des nattes de roseaux posées à même le sol si l’on entre dans les campagnes, avec tout autour soupes, viandes, volailles, poissons ou salades. On se sert dans l’ordre que l’on veut. Dans le nord du pays, c’est le riz gluant, le kaow niaow, que l’on attrape avec ses doigts pour en faire de petites boulettes.
En matière de cuisson, on use tout à la fois de la vapeur, de la poêle, de la friture ou du wok. On se régale de poissons grillés, de crevettes ou de galettes de riz croustillantes accompagnées de leur sauce aigre-douce, de vermicelles frits, de porc dans sa feuille de bananier, de brochettes, de fruits de mer au grill, de nouilles de riz sautées, de riz collant, de poulet à la sauce à l’huître, de canard au tamarin ou à l’ananas, encore de currys se déclinant presque à l’infini…
Souvent préparées à la minute, avec citronnelle, coriandre, basilic vert ou rouge, bergamote, badiane, menthe, cardamome, galanga - proche du gingembre, cette plante herbacée particulièrement aromatique est réputée aphrodisiaque -, champignons, jeunes pousses de bambou, viandes boucanées, poissons ou crustacés, citron vert pressé, lait de coco, pâte de curry ou de crevettes, ail ou encore échalotes, sans oublier bien sûr ces éternels petits diables en habits rouges, jaunes ou vert, les soupes se savourent à toute heures et en toutes occasions. À l’égal de beaucoup de plats, nombre d’entre elles sont dominées par le fumet du nam pla. Proche parent du nuoc mam vietnamien, cette sauce très riche en protéines se prépare à partir de poissons fermentés et de saumure. On en use, comme nous le faisons pour le sel !
Point de fromages, mais de goûteuses salades composées, à l’exemple de celle de papayes que le fils a appris à préparer et que m’avait du reste fait découvrir Gilles, avec baies du papayer encore vertes, sucre de palme, poivre noir, gousses d’ail, crevettes et coquillages séchés, jus d’agrumes, nam pla et les éternels démons. Le tout présenté sur une croquante feuille de laitue. Le repas se termine avec quelques douceurs sucrées et quelques fruits tous frais.
Jacques Teyssier,
Journaliste gastronomique pour CoolinClassic
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