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Roumanie - Hôtel Transylvania

Dernière mise à jour : 27 janv. 2023

Avril 2019

Il m’est devenu difficile de choisir une destination de voyage avec excitation. L’un de ces nombreux pays que j’ai appris à situer grâce à ma passion du sport étant gamin me donne ­(enfin) envie : la Roumanie. Avec Maghnia, nous décidons d’explorer ce pays à l’occasion de la Pâques orthodoxe. Dès notre arrivée dans la capitale, le soleil fait défaut. Il nous fuira la grande majorité d’un voyage marqué par la grisaille et la pluie. Je ne m’attends à rien de Bucarest, qui, au final, se révélera plutôt charmante. Dès le premier jour, nous comprenons l’importance de Pâques pour les Orthodoxes. Plus que Noël, c’est leur Graal. À cette occasion, les Roumains peignent des œufs pour décorer la table pascale ou pour offrir ; le rouge, couleur la plus utilisée, rappelle le sang du Christ. Nous voici devant le palais du Parlement, plus grand bâtiment en pierre du monde avec ses 350.000m². À l’imposante place de l’Indépendance et à ce bâtiment pharaonique répond un centre bien joli et une périphérie agréable où Nicolae Ceaușescu avait sa résidence. Celle-ci est à l’image de la mégalomanie d’un homme d’État qui se décernait lui-même les titres de « Conducator », « de génie des Carpates » ou de « Danube de la pensée » … ; ça fait beaucoup pour un seul homme ! La « ville de la joie » pour les écrivains roumains est donc plus belle que prévue et très propre. Nous sommes interloqués par de petits détails comme les petites cartofisseries spécialisées dans la cuisson des pommes de terre ou le nombre de boutiques fermées. Loyers excessifs ? Crise économique ? Pourtant, jour après jour, le pays nous semble dynamique. Mes représentations d’un pays « arriérés » et « en retard » s’estompent à vitesse grand V. Nous rallions les différents points d'intérêt de la ville avec joie en passant devant bon nombre de restaurants et de cafés alléchants, de bars steampunks excellents ! À quand sur Paris ?! Dès demain, nous décidons de remonter le pays pour rejoindre les Maramures.

La première étape de cette remontée nous conduit dans le pays de la Barsa, région historique de la Transylvanie. La jolie Brasov est centrée autour de la magnifique Église noire gothique construite par l'énorme communauté germanique. Devenue le lieu de culte luthérien, elle domine une agréable place où il serait bon de prendre le soleil en dégustant un strudel aux pommes ou un placinta. Hélas, la météo capricieuse ne nous permet pas de profiter pleinement de la cité, jadis dominée par une bourgeoisie marchande, les Saxons de Transylvanie. Ils firent de Brasov un carrefour commercial entre Constantinople et la Baltique. Ambre, épices, fourrures, peaux, soie, miel, pierres précieuses ou métaux transitaient par ici. Nous voilà dans une rue minuscule, puis dans un téléphérique à l'assaut de la colline Tampa, qui regarde la cité. L'histoire de la ville est également liée au prince valaque Vlad Tepes « l'Empaleur ». Cela tombe à pic, car depuis notre charmant appartement, il est facile de rallier l'ancienne forteresse des chevaliers Teutoniques. Selon un guide touristique de la région, Draculea « le fils du Dragon » aurait pu faire une halte au château... Nulle trace historique de cela! D'ailleurs, dans le chef-d’œuvre gothique de Bram Stocker, Bran n'y est jamais mentionnée et le château est situé dans une autre région de Transylvanie. Peu importe ! En pénétrant dans ce lieu, nous sommes excités comme jamais. Le terrifiant col de Borgo où Jonathan Harker se fait déposer par une diligence venant de Bistrita pour être acheminé au château par les hommes de Dracula dans l'adaptation mythique de Coppola semble plus proche que jamais ! Je me souviendrai éternellement du rire effrayant et malsain du comte incarné par Gary Oldman. Une autre visite au pied des monts Bucegi vaut le détour: le château de Peles. La résidence d'été de la famille royale est une merveille. Hélas, notre timing trop court et une gestion merdique des visites ne nous permet pas de pénétrer dans la demeure. Nous nous replions sur le châtrau voisin de Pelisor. 

Une autre ville surfe sur le célèbre vampire membre de l’Ordre du Dragon : Sighisoara. Nous y voilà ! Notre hôtel nous offre des moments délicieux grâce à son spa, sa piscine et sa salle de sport. On transpire avant de profiter des douces soirées transylvaniennes en faisant honneur à la gastronomie locale : mamaliga (polenta), sarmale (feuilles de choux farcis), placinta (feuilletés) ou ciorba, on mange plutôt bien en Roumanie, Après les invasions mongoles, des fortifications payées par les nombreuses corporations d'artisans sont élevées autour de la ville. Nous rallions la ville haute - celle des aristocrates et des bourgeois -, en passant par des rues pavées et des placettes pleines de charme. Du haut de la colline, nous apercevons la ville basse, en réalité les faubourgs autrefois peuplés d’artisans et de paysans. La pression ottomane obligea des années après à surélever les remparts. Sighisoara la touristique semble fière de son passé qui a vu les artisans et les marchands allemands dominaient l'économie au XVIe ou XVIIe siècle. Ainsi, nombre de guildes et d’associations d’artisans ont façonné une cité fortifiée qu’il est si bon de visiter. We love Sighisoara ! Pour terminer, nous visitons la prétendue maison où naquit Vlad III l’Empaleur. Son père, Vlad II Dracul (le Dragon), prince de Valchie s'établit dans la ville en 1421. La visite est kitch et plutôt drôle. Notre remontée se poursuit jusque dans la vallée du Somesul Mic à Cluj-Napoca, la ville du prince humaniste et ancien roi de Hongrie Matthias Corvin (XVe siècle). S’il est assez déprimant de visiter une ville sous la pluie, nous nous consolons dans notre petit appart hôtel qui nous offre un havre de paix. La ville semble à la fois calme et dynamique, étudiante et agréable. Compte tenu de ses 2 grandes communautés de langue roumaine et hongroisee, Cluj est une ville biculturelle. Multiculturelle même avec ses étudiants du monde entier ! Dans les proches Monts Apuseni, l’ours brun est le roi. C’est un rêve que de l’approcher et le voir, mais nous abandonnons rapidement l’idée sans une certaine déception. Ainsi, le potentiel touristique et attractif de la Roumanie semble immense et inexploité. Le jour J arrive à grands pas : les habitants se saluent d’un « Hristos a înviat » (Christ est ressuscité) avant de faire leurs courses. Les autres répondent : « Adevarat ca a inviat » (Il est vraiment ressuscité) ! Nous choisissons la petite église de notre quartier pour assister à la messe de minuit de la Pâques orthodoxe. Malgré la pluie, il y a foule. Nous y faisons le tour au cours d’une petit cérémonie qui dure des plombes et devient vite ennuyante car très répétitive. Hristos a înviat, n’en doutons pas !

Nous décidons de poursuivre encore plus au nord jusqu’à Sighetu Marmației via Baia Mare, porte d’entrée des Maramures. Le réseau ferré roumain nous est devenu presque familier. Un couple folklo, dents métallisées, nous sert de compagnie pendant un nouvel interlude en train. À Sighetu Marmației, nous passons devant l’ancienne maison natale d’Elie Wiesel, l’auteur de La Nuit qualifié de « marchand de Shoah » par le grand historien Pierre Vidal-Naquet :  : « Élie Wiesel raconte n’importe quoi (…) Il suffit de lire certaines descriptions de La Nuit pour savoir que certaines de ses descriptions ne sont pas exactes et qu’il finit par se transformer en marchand de Shoah… Eh bien lui aussi porte un tort, et un tort immense, à la vérité historique » annonce-t-il. Il est bien triste de penser qu’à quelques mètres du Mémorial des victimes de la Shoah et d’une ancienne prison devenue Mémorial des Victimes du Communisme, un ancien Prix Nobel de la paix a pu instrumentaliser l’Histoire pour défendre la politique israélienne (Norman Finkelstein dans L'Industrie de l'Holocauste), à savoir l’indéfendable. En Roumanie, les Roms semblent les nouveaux juifs, très nombreux dans la région avant la Seconde Guerre mondiale et la collaboration du régent Miklos Horthy. Nous assistons à une scène assez violente : le chauffeur d’un bus interdit la montée à bord d’une jeune femme rom avant même discussion devant des passagers qui semblent non concernés. Pourtant présents en Europe dès le XIe siècle, ceux que l’on appelle Tziganes, Gitans, Bohémiens, Manouches ou Romanichels selon les pays d'où ils sont supposés venir, sont partout rejetés certainement en raison de leur mode de vie à la base nomade. Y-aurait-il une norme à suivre à Paris mais encore plus ici ou dans la Bulgarie voisine ? Sont-ils des Outsiders, ces « "déviants" qui transgressent des normes acceptées par tel groupe social ou par telle institution » et sont donc étrangers à la collectivité (Howard Becker, 1963) ?

Nous rallions Săpânța pour visiter l’un des plus célèbres cimetières du monde. Au croisement de l’art naïf et des traditions folkloriques locales (valaques), les peintures qui ornent les stèles funéraires en bois du cimetière sont de toute beauté grâce au travail de titan de l'artisan local Stan Ioan Patras. Celui-ci a apporté couleurs vives et rituels funéraires festifs dans les cœurs des âmes endolories. L’Église, qui considère la mort comme un moment dramatique et solennel, était passée par là! Avant notre départ, nous filons dans un magnifique monastère en bois avant de nous faire harponner par une vieille dame, qui souhaitant profiter un peu du tourisme, nous pose sans cesse la même question (« Combien ça coûte ? Combien ça coûte ? ») pour savoir combien nous payons notre chambre chez l’habitant. Après une longue attente sur le bord de la route, une voiture nous prend en stop. Voici le top départ de notre retour vers Bucarest !


 



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