top of page
Photo du rédacteurCoolinClassic

Ouzbékistan - La maison dorée de Samarcande

Dernière mise à jour : 9 nov. 2022

Août 2018

Nos espérances sont immenses : les brochures des agences annoncent l'Ouzbékistan comme un must ! La traversée de la frontière kirghize est folklorique, bordélique... Commerciale, elle n’a été réouverte qu’il y a quelques années ; ça pousse, les douaniers sont débordés, un frigo passe au-dessus des têtes puis tombe sur la foule. C'est du grand n'importe quoi. Arrivés les mains dans les poches au pays, nous voilà donc en mission pour récupérer du cash. À Andijan, le bastion conservateur et le centre spirituel de la vallée de la Ferghana, c’est impossible. À Marguilan ? C'est une misère pour changer quelques billets. Les euros de Maghnia nous sortent d'un mauvais pas. Nous sommes tout de suite séduits par la gentillesse des Ouzbeks. Dans une marshutka, ma voisine qui me sourit porte monosourcil, dents en or et moustache... s’agit-il d'une beauté locale ? En journée, la chaleur est insupportable. Il nous faut trouver d’urgence une banque qui accepte les cartes étrangères. Nous sautons dans les petites camionnettes Damas pour rejoindre Kokand, l'un des grands centres religieux d'Asie centrale. Nous visitons le palais d'un khan. En janvier 1918, des nationalistes proclamèrent un “gouvernement provincial musulman du Turkestan autonome” avant d'être remis à leur place par le soviet de Tachkent. Il fait tellement chaud que les après-midis sont écourtées au maximum. Et pourtant, ce Chinois ou cet Ecossais parcourent depuis plusieurs mois solitairement le monde à vélo. Chapeau ! Avant de quitter la vallée, il nous faut comprendre quel processus a permis à Marguilan, autrefois ville majeure de la route de la Soie, de s’enrichir. Elle fut une ville caravanière de grande importance grâce à sa fabrique de soie. Un taxi nous attend devant notre superbe caravansérail. Bye bye Anne-Gaëlle et Laure, au plaisir de vous revoir ! C’est parti pour Bichkek à bord d’un taxi que l’on espère, tout au long du voyage, honnête… Il le sera presque, mais presque seulement ! Durant la totalité de notre périple, nous serons sans cesse poursuivis par les ombres de Griezmann ou de Mbappé. Sentiment désagréable ? Bien sûr que non, qu’il est bon d’être champion !

Tachkent semble s’être déjà projetée dans le millénaire. Bichkek semble bien loin, à des années-lumière même… L'architecture de la ville nous impressionne, sa propreté et sa modernité à l'image d'un Steam Bar qui fait rêver Maghnia -fan du steam punk-, également ! Les poches remplies de sums, la panse remplie des agapes matinales, nous voici au bazar Tchorsou avant de flâner vers la place de l'Indépendance dans un centre ma foi plutôt agréable malgré ses avenues soviétiques trop larges. Les références à Amur Timur (Tamerlan) ne sont jamais très loin. Ce sera évidemment encore le cas dans les villes phares de l'Ouzbékistan touristique. Nous rallions avec excitation Samarcande... Cité autrefois décrite comme fabuleuse et légendaire par nombre de poètes et écrivains, aucun nom semble mieux évoquer la route de la Soie que Samarcande. Elle est également sur ma « to do list » depuis ma lecture d’Hugo Pratt. À la recherche du trésor de Cyrus II caché par Alexandre le Grand, prétexte à libérer Raspoutine d'une prison appelée Maison dorée de Samarcande d’où l’on ne peut s'échapper qu'à travers des rêves dorés faits des senteurs du haschich, Corto Maltese traverse l'ancien Turkestan entre rêves, souvenirs et onirie. « Tout ce que j’ai entendu sur Marakanda est vrai, sauf qu’elle est plus belle que je ne l’imaginais » déclara Alexandre le Grand lorsqu’il s’en empara. Si les fabuleux monuments de Tamerlan diffusent une ambiance magique, une ville moderne s'étire à travers des avenues sans charme avec des bâtiments soviétisants. Samarcande la fascinante, où es-tu passée ? Tu nous déçois, on s'y ennuie. Où sont les salons de thé à l'ambiance orientalisante que nous attendions ? Et pourtant Tamerlan fit de Samarcande une cité quasi mythique, épicentre économique et culturel de l’Asie centrale.

Le Registan (« place sablonneuse » en tadjik), éblouissant, fut le centre marchand de la Samarcande médiévale. Ses majestueuses madrasas légèrement penchées couvertes de majoliques et de mosaïques sont, il le faut le dire, des joyaux architecturaux comme j'en ai rarement vu. Son petit-fils, l'astronome Ulug Beg fit également de la ville un centre intellectuel majeur ; nous voici dans son observatoire où il y aurait fait construire un astrolabe de 30 mètres pour repérer la position des étoiles. Génie d’une époque ! Non loin, le tombeau de Daniel, prophète de l’Ancien Testament, nous plonge dans les récits bibliques. Nous rejoignons la mosquée Bibi-Khanoum. Achevée peu de temps avant la mort de Timur Lang, elle fut sans doute le joyau de son empire avec sa coupole monumentale. Sur Wiki, je lirai : « D’après la légende, Bibi Khanoum, l’épouse chinoise de Timur, ordonna la construction de cette mosquée pendant une campagne de son époux pour lui en faire la surprise à son retour. L’architecte, tombé fou amoureux d’elle, n’accepta de terminer le travail qu’à condition qu’elle lui accordât un baiser. Or le baiser laissa une trace, et Timur, la découvrant, fit exécuter l’architecte et décréta que les femmes devraient désormais porter le voile pour ne pas tenter les hommes ». Nous voilà à déambuler dans l'allée principale de Chah-i-Zinda, une nécropole incroyable. Ses mausolées renferment de somptueuses mosaïques dont ceux des proches de Timur et d'Ulug Berg.

Dans la cabine très classe d’un train ralliant Boukhara, nous rallions l’autre cité mythique de la région.  Nous logeons non loin de la citadelle d’Ark, au centre d’une ville charmante où le temps semble s’être arrêté. On y découvre un artisanat de grande qualité à l’image du travail de la céramique ou de l’argent, le plaisir de flâner dans des ruelles qui nous emmènent de mosquées en caravansérails, de la citadelle Ark aux sympathiques restaurants qui entourent un bassin ombragé de mûriers, cœur touristique de l’ancienne capitale samanide (IXè et Xè siècle). C’est peut-être ici que le légendaire Ibn Sina (Avicenne) puis les poètes Ferdowsi et Rudaki, grandes figures du monde perse musulman, y puisaient une once de leur inspiration. Du temps de sa splendeur, Ark - la « citadelle » - abrita plusieurs milliers de personnes. Lorsque Gengis Khan conquit la région en 1220, les habitants cherchèrent refuge dans Ark… en vain ! Le Khan ne décida d’épargner que le minaret Kalon (« grand » en tadjik), haut de 47 mètres. Nous goûtons au délicieux raviolis farcis au potiron (chuchvara) ou à la viande et à l’oignon (manty). À l’image du savoureux plov national composé de riz sauté (och) ou des brochettes de viande et de gras (chachlik), le mouton domine la gastronomie nationale. Je me régale aussi de laghmans (longues nouilles cuisinées en soupe ou sautées) avant qu’on ne s’aventure dans la visite des joyaux d’une cité qui, au XVIè, compta plus de 100 madrasas pour quelques 10.000 étudiants et 300 mosquées. À Boukhara, vous trouverez la plus vieille mosquée d’Asie centrale, vestige un temple zoroastrien du Ve siècle et d’un temple bouddhique plus ancien ; jusqu’au XVIe siècle, elle aurait servi le soir de synagogue. Les juifs boukhariotes auraient développé depuis le XIIè siècle une culture unique avec une langue, le boukhori. Liée au perse, elle s’écrit pourtant en caractères hébreux... Si tout ça n’est pas le parfait exemple de syncrétisme, je n’y comprends rien !

Il est l’heure de rejoindre l’ancienne capitale kharezm située dans l’ancienne Chorésie d’Hérodote. À travers les déserts hostiles de Kyzylkoum et du Karakoum, c’est une longue route caniculaire, ponctuée d’un restaurant d’étape qui ferait passer le Bagdad Café pour la Tour d’Argent, qui nous attend ! Maghnia, organisatrice hors pair, nous a dégoté l’une des 76 hujra de l’ancienne médersa Mohammed Rahim Khan, un bâtiment somptueux. Notre cellule d’étudiant surplombe la cour principale et l’un de ces iwan (porche voûté) de toute beauté. Les éléments d’architecture islamique d’origine perse sont d’ailleurs bien présents à l’image de l’imposant portail d’entrée (le pishtak). Qu’il est bon d’admirer la nuit tombée sur la légendaire Itchan-Qala (cité fortifiée) quand la lune éclaire les silhouettes inclinées des colonnes et des madrasas au détour des ruelles tortueuses.

Selon la légende, Khiva fut fondée quand Sem, le fils de Noé, découvrit un puits à cet endroit ; son peuple l’appela Kheivak. C’est donc un grand plaisir que de terminer notre aventure ouzbèke ici à Khiva. C’est un vrai bonheur que de marcher dans cette oasis fertile aux portes du Karakoum, de se perdre dans ses ruelles baignées d’un soleil de plomb, de pénétrer dans les lieux véritablement exceptionnels qui l’ont fait connaître (la mosquée Djouma, la médersa Mohammed Amin Khan…), de boire le thé des heures durant, de déguster le lepyoshka (le pain ouzbek) accompagné de dimlama (ragoût de viande, de pommes de terre, d’oignons et de légumes) ou de sabzavotli dimlama, sa version végétarienne, le tout sur une terrasse avec vue sur les murailles. Du haut du minaret Islam Khodja, la vue sur Kunya Ark, la vieille forteresse ancienne résidence des khans, est merveilleuse ! Vous l’aurez sans doute compris, nous finissons ce périple ouzbek par un vrai coup de cœur. Cité bien plus envoûtante que la célébrissime Samarcande, nous sommes presque déçus de la quitter. L’Europe nous appelle, les rivages de la mer Baltique ne sont pas si loin. En avant !


8 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page