Septembre 2008
Je suis à Victoria Falls, Zimbabwe, le lieu des fameuses et très impressionnantes chutes, frontière naturelle entre la Zimbabwe et la Zambie. La traversée du Botswana fut longue, très longue. Pendant des centaines de kilomètres, nous traversons le Kalahari, ce désert morne et plat. Mis à part une escale à Chobe, un parc national où vivent près de quarante mille éléphants, ce fut lassant. Le Kalahari est la région la plus sèche de la plus grande étendue de sable au monde (2,5 millions de km² !). Boring ? Le « lieu sans eau » ou « grande soif » est en fait une savane xérique (c’est-à-dire très sèche) végétalisée ; c’est en fait un semi-désert habité par les Bochimans, qui un soir, nous offrent des chants traditionnels lors d’une veillée auprès du feu. Je me rappelle à nouveau des Dieux sont tombés sur la tête qui faisait rire ma mère. Le survol de l'Okavango, un immense delta de 15.000 kilomètres carrés au milieu de nulle part, répond (presque) à mes espérances. Les eaux du troisième fleuve du continent ne rejoindront jamais la mer. À Maun, le « lieu des roseaux courts », j’embarque avec Christine dans un petit avion de tourisme. De là-haut, nous survolons le fleuve endoréique qui est presque étouffé par les sables du Kalahari. Nous apercevons de petits groupes d’animaux qui profitent de l’immense « mer » intérieure pour s’abreuver. Je m’attendais pourtant à être plus ébloui par ce spectacle d’une nature brute, éloignée de l’empreinte de l’Homme. La faute à un épisode d’Ushuaïa Nature probablement ! Il n’y a en effet que trop peu d’animaux à mon goût ; ce n’est assurément pas la meilleure saison pour y observer la vie sauvage.
Ferdie nous arrête dans un supermarché pour qu’on se ravitaille avant d’entamer trois jours de camping sauvage dans le delta de l’Okavango à deux heures en barque du premier village. Avec son accent de bushman sud-africain, je comprends à peine ses conseils. Une bouteille d’eau pour trois jours ? J’ai dû bien mal comprendre ! Pendant que les autres n’auront pas à s’en faire avec leurs bonbonnes de cinq litres, je ferai à l’ancienne : l’eau du delta chauffée dans une bouteille en plastique, « la vérité [je] fais de la peine » ! Nous plantons nos tentes en face d’un groupe d’hippopotames. C’est toujours sympa de voir hippos et éléphants à quelques mètres de ta tente, n'est-ce pas ? J’apprends pourtant que les premiers sont très dangereux car très territoriaux. Tu passes entre un hippopotame et SA rivière et c’est l’assurance que le monstre te charge. La nuit, il faudra réveiller son compagnon de tente si on veut pisser. Il ne faudra surtout pas sortir seul. Notre camp est bâti autour d’un feu ; nos guides bochimans s’en occuperont. Comment ne pas avoir confiance dans les Sans, les plus vieux habitants d’Afrique australe, qui résident dans la région depuis 44.000 ans ? Comme les pasteurs khoïkhoïs, ils pratiquent les langues à clics. En compagnie d’un des leurs, nous approchons - vent de face - éléphants et buffles à moins de dix mètres. Nous parcourons l'Okavango à pied et en barque !
Le fleuve qui ne trouve jamais la mer forme un labyrinthe d’îles, de canaux et de lagunes. Le premier jour, le guide nous dit : « si un buffle vous charge, vous courez vous réfugier dans un arbre, pour un éléphant, vu qu'il vous prévient une première fois en bougeant ses oreilles, vous avez le temps de partir en courant. Au pire, vous laissez votre sac ou un vêtement. Àcause de sa très mauvaise vue, il piétinera vos affaires. Pour un lion, surtout vous ne courrez pas sinon vous êtes morts. Il vous prendrait pour une proie... Vous restez immobile, vous faites du bruit ou mieux vous le chargez à son tour. Normalement il ne comprendra pas ». On se regarde tous, perplexes et un peu effrayés. Nous nous attendions à des guides armés. Armés ils sont mais de bâtons !
Arrivés aux chutes Victoria, je traverse en compagnie de mes amis de voyage une petite forêt tropicale provoquée par le nuage d’eau constant que provoque « la fumée qui gronde » (Mosi-oa-Tunya) comme les appelait la population locale. Nous voilà en face du phénomène né du fleuve Zambèze. C’est en effet phénoménal que d’entendre le grondement de chutes de 108 mètres qui se jettent dans une faille étroite qui débouchera, plus bas, par un étroit canyon. Ici à Vic Falls, c'est le chaos économique. L'inflation est astronomique (plus 125.000.000% en quelques mois), les prix pratiqués frôlent le ridicule à tel point que les gens ne peuvent rien acheter. Ils troquent. Ainsi, le supermarché de Kasane au Botswana est pris d'assaut par les Zambiens et les Zimbabwéens ; les rayons sont donc à moitié vides. Le Zim dollar pourtant réévalué ne vaut rien, les enfants mendient plus qu'ailleurs... J’ai presque l’impression d’être dans un pays en guerre ou dans un camp de réfugiés du HCR. Bref, c'est la merde ! À Victoria Falls, éléphants, buffles et autres se baladent dans la ville. Pour qui a beaucoup d'argent, c'est peut-être un petit paradis (rafting, hydrospeed, hélicoptère, saut à l’élastique…). Et oui, pour profiter au mieux de Vic Falls et de ses activités hors-normes, il faut un porte-monnaie rempli de dollars. Bien rempli ! Puisque ce n’est bien sûr pas mon cas, il faut donc partir dès demain et oublier mon idée de redescendre le pays jusqu’en Afrique du Sud. Marvin, Ferdie et Simba me redescendront jusqu’à Bloemfontain, capitale judiciaire du pays située dans le Highveld en bordure du Karoo. C’est la ville de naissance de J.R.R. Tolkien et de grandes stars du rugby. Nous sommes dans l’antre des Cheetahs ! « La cité des roses » est surtout le symbole d’un pays ségrégationniste pré-apartheid. Ainsi, elle fut la capitale de l’une des républiques boers, de la colonie de la rivière Orange, de l’état libre d’Orange… À l’abri des noirs pardi ! De là, je compte passer les koppies (collines) puis rejoindre le Lesotho, un pays enclavé au milieu du géant sud-africain.
C'est aujourd'hui que notre tour se termine après avoir fêté la dernière soirée comme il se doit. Nous sommes à Victoria Falls et nous allons nous séparer. Beaucoup rallieront Livingstone en Zambie, la ville qui porte le nom de l’explorateur écossais qui fut le premier Européen à admirer les chutes en 1855. C’est lui qui renommera le lieu en l’honneur de sa reine. Si notre dernière semaine fut un peu longue malgré l'arrivée de cinq New-Yorkais(e)s bien sympathiques (Ameet, Tivona, Jana…), je garderai de bons souvenirs de mes travel buddies. Je suis toutefois heureux de retrouver mon indépendance, seul avec ma maison sur le dos. Il faut dire qu’avec mon anglais de survie, cela n’a pas été toujours facile de suivre une conversation entre huit Nord-Américains ou d'être entouré d'Allemands. Un long trajet pour rallier le Lesotho m'attend. Bonne rentrée à vous les amis
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