Octobre 2023
Le ministère des Affaires Etrangères annonce la couleur (rouge) : l’intégralité du territoire irakien est formellement déconseillée. Pourtant, Maghnia a décidé de s’y rendre, seule ou accompagné. Une idée bien merdique ! Nous atterrissons à Koweït City, « la Ville » d’un État entré, malgré lui, dans l’histoire médiatique en 1991. Des Koweïtiens, vêtus de kamis, s’engouffrent dans un bus peu confortable - conduit par un Punjabi qui nous offre une douceur - aux côtés des nombreux migrants (70%). J’imaginais une société plus fracturée à l’image de celle des Émirats, mais aussi une skyline plus impressionnante. Du haut des tours, il est évident que la capitale concentre 90% de la population. Nous nous installons dans un café pour le petit-déjeuner koweïtien de toute beauté avant de pénétrer dans la Grande mosquée. De dehors, rien ne semble exceptionnel. Tout faux ! La visite guidée gratuite en met plein la vue. Les femmes vêtues de l’abaya obligatoire, nous pénétrons dans l’immense salle de prière ornée de calligraphies somptueuses des 99 noms d’Allah. Tapis, lustres, décoration en or, portes massives en teck, couleurs superbes, marbre italien, c’est franchement grandiose !
Au sortir de cette merveille, nous rallions la salle des visiteurs pour avaler quelques dattes et le karak (thé koweïtien) très fort et très sucré, et récupérer quelques souvenirs. Le tout gratuit… Bienvenue en Arabie ! En ralliant le marché aux poissons, les bhums (boutres traditionnelles) renvoient au passé maritime florissant. Au loin, un pétrolier traverse la baie tandis qu’un pont sans fin la traverse ; on devine les deux îles artificielles et l’échangeur construit sur le polder. Je comprends vite que le conservatisme koweïtien est bien ancré. Ce n’est pas ici que je compléterais ma collection d’étiquettes de bière. C’est parti pour enchaîner les karak. Notre stress monte… demain, c’est l’Irak ! Pour 50$, Hamid nous emmène à la frontière, le Green pass en poche ! En 1h15, le visa tamponné, nous voilà parti pour une remontée du pays d’une douzaine de jours depuis Bassorah, le port qui irrigue le Koweït de ses marchandises. Vivement que je vous conte le prochain épisode !
Treize jours plus tard, nous faisons une escale rapide dans le plus riche des émirats (Abou Dhabi). Nous survolons l’immense désert Rub al-Khali, le « Quart Vide » orange rougeâtre riche en pétrole. Le petit a bien grandi depuis le temps où il vivait de la pêche des perles ! Si demain nous retrouverons une société plus homogène, nous passons la journée dans une société ségrégationniste. Les nounous asiatiques s’occupent des enfants des mères émiraties qui n’ont rien d’autre à foutre que de tuer le temps dans les centres commerciaux. L’architecture ultra moderne et impressionnante s’est arrêtée aux portes de sa voisine qui me révulse (Dubaï). Pourtant, la mosquée Sheikh Zayed est celle de tous les superlatifs. Avec Maghnia, nous restons bouche-bée devant une telle splendeur. C’est Agrabah ! L’émir a choisi des matériaux nobles pour montrer au monde la puissance de son émirat (marbre de Carrare et de Macédoine, nacre, cristaux, or…) et s’est inspiré des traditions persanes et indiennes (pour les dômes), arabiques (les minarets), mauresques (arcades) ou mogholes… Les architectes ont fait les choses en (très) grand avec le plus grand dôme de mosquée du monde, le plus grand lustre et le plus grand tapis artisanal du monde... En sortant du lieu de culte, business is business ! Les boutiques de luxe, de souvenirs ou les fast-foods de cet immense centre commercial sont un lieu de passage obligé pour regagner la sortie. Pas fous ces Émiratis ! En achetant les licences (j’espère à prix d’or !) du Louvre ou du Guggenheim, en se payant les services des stars de l’architecture Jean Nouvel, Frank Gehry, Norman Forster ou Tadao Ando, ou en investissant sans limite dans le sport, l’émirat espère s’acheter une respectabilité à coup de soft power !
Le lendemain, nous voici de retour aux premières heures du jour à attendre l’ouverture des cafés koweïtiens. C’est une nouvelle chance que d’humer, l’espace de quelques heures, les spécificités d’un pays qui doit avoir tant de mal à se faire une place entre ses encombrants voisins iranien ou saoudien. On enchaîne les karak devant une flopée d’hommes vêtus d’un blanc immaculé avant un nouveau petit-déjeuner de roi. On découvre rapidement Al Sadu, le tissage traditionnel en laine des femmes bédouines. Maghnia a coché une course de chameaux sur sa to do list ! Après négociation, un taxi accepte de nous emmener au stade malgré ses doutes ; en face, des chameliers du Soudan nous présentent leurs bêtes de course. Celle-ci a eu lieu à 6h ce matin… Pas grave : direction le désert et le camp nomade de son frère ! Sur la route, c’est la foire des petites boutiques qui vendent tout et n’importe quoi, et le ballet des camions-citernes qui vont livrer, jusqu’aux confins du pays, une ressource plus chère que l’or ! En attendant la sortie d’une jerboa de sa tanière, le café aux épices est bien sûr proposé. Dans la « Ville », on avait assisté à une étrange cérémonie en musique pour accompagner le breuvage. Avant que la tombée du jour efface les traces du retour vers la zone urbaine, il est temps de partir. Avant notre vol retour, nous tuons le temps dans une zone commerciale et de loisirs qui ressemble à ce que l’on pourrait trouver dans n’importe quelle métropole. Satanée mondialisation ! C’est donc la fin de notre boucle arabique. Maghnia a eu le nez creux en mettant au point ce voyage très riche au pays des Mille et une Nuits. Place à celui qui trouvera plus original pour un « voyage de noces » !
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