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Cambodge - Sur la piste de l'Angkar Wat

Dernière mise à jour : 27 janv. 2023

Février 2019

Me voilà de retour au Cambodge 10 ans plus tard, cette fois en compagnie de Douce Maghnia. Puisqu’il faut bien commencer un voyage quelque part, nous partons à la découverte de Phnom Penh, l’ancienne « Perle de l’Asie » de l’Indochine située au confluent du Tonlé Sap et du Mékong. Il est plutôt agréable de s’y perdre, d’y arpenter les rues assis à l’arrière d’un rickshaw, de relier les nombreux stûpas pour y observer une vie spirituelle foisonnante ou ce village du Quart-Monde peuplé de pêcheurs musulmans qui habitent des maisons sur pilotis les pieds (presque) dans l’eau et surtout dans une mer(de) de plastique. Si cette expérience est dure, je m’attendais à une mégapole bien plus invivable et polluée. Or, il n’en est rien. En visite à la fin des années 60, le Premier ministre de Singapour confia au roi Sihanouk « j'espère qu'un jour ma ville ressemblera à la vôtre », et recommanda à ses Ministres de s'en inspirer. Après un court passage dans notre superbe hôtel qui surplombe une ville qui construit de partout, nous voilà à la découverte du Wat Phnom (ou « Colline du temple »), édifice du XIVème siècle qui donna son nom à la ville. La ferveur religieuse qui s’en dégage nous subjugue. Le Marché central, leg de l’époque coloniale, nous permet de découvrir quelques-unes des saveurs qui agrémenteront notre voyage. Soupes, lok lak, nouilles et riz sautés, tom yam, pain à l’ail, crêpes, amok, relents de lait de coco, curry, gingembre ou de piment et sauce poisson, la cuisine khmère me réjouira jour après jour.

Qui vient à Phnom Penh ne peut faire l’impasse sur Tuol Sleng (S-21), l’ancienne prison et centre de torture du régime génocidaire du Kampuchéa démocratique (1975–1979) de Pol Pot. Visiter l’ancienne école, c’est se plonger dans l’horreur des années Khmers rouges que, petit, j’avais découvert en famille en regardant The Killing Fields de Roland Joffé. Les quelques rescapés présents, sont là pour témoigner ou vendre leur (récit de) souffrance ? Dans le camp d’exécution sommaire de Choeung Ek, ces champs de la mort portent bien leurs noms. La machine de mort Khmer rouge (Rithy Panh) a, ici, bien fait son travail. Lors du procès de Duch, les procureurs diront : « La politique était que personne ne pouvait sortir vivant de S-21 [...] Sous les ordres directs de l'accusé et parfois de ses propres mains, des personnes ont été soumises à des souffrances physiques et mentales intenses dans le but de leur soutirer des aveux et parfois d'infliger une punition [...] Les victimes étaient battues avec des cannes en rotin et des fouets, électrocutées ou étouffées avec des sacs en plastique attachés autour de leur tête, déshabillées et leurs parties génitales soumises à des décharges électriques ». À Choeung Ek, des bouts de tissus sortent toujours du sol. L’Angkar (« Organisation ») n’est plus et Phnom Penh s’est depuis, reconstruite de manière anarchique, ne respectant aucun plan d'urbanisme.

Lovés dans un bus couchette, nous nous réveillons à Siam Reap. Après l’Angkar c’est donc Angkor et son parc archéologique de 400 km². « Au fond des forêts du Siam j’ai vu l’étoile du soir se lever sur les ruines de la mystérieuse Angkor » s’extasiait Pierre Loti. Peut-être qu’un vélo pourri et que les nuits de fête en compagnie du Saïmon ne m’avait pas permis d’apprécier le site dans toute sa splendeur. Avec Maghnia, nous nous prenons pour Indiana Jones et Lara Croft dans des décors d’aventure de toute beauté. Grâce au stabilisateur, les vidéos seront superbes, j’en suis sûr ! Aménagements hydrauliques et canaux, bas-reliefs, Angkor Wat, capitale de l’Empire khmer, fut l’une des plus grandes villes médiévales du monde. Plus loin le temple-montagne pyramidal du Bayon fait ressortir d’immenses sculptures. Antonio da Magdalena, le premier occidental à visiter le complexe le notifiait dès le XVIème siècle (« Le temple ne ressemble à aucun autre édifice au monde. Il est pourvu de tours, d'ornements et de tous les raffinements que le génie humain peut concevoir »). Au sein d’Angkor Thom, « la grande cité », nous nous amusons à filmer ruines de palais, de temples et de bâtiments. C’est jouissif ! Des macaques amusent les badauds. Non loin, des moines tournent autour d’une pagode : souriants, ils nous accueillent pour une cérémonie riche en émotions. Le soir, nous voilà dans une autre jungle, celle de Pub street et ses bars trop occidentalcoolisés et bruyants à mon goût. Je n’apprécie plus trop… suis-je en train de vieillir ? Ceci ne nous empêche pourtant pas de prendre du bon temps : pendant que je me fais masser les jambes, Maghnia tente un fish spa trop chatouilleux à mon goût. Délices cuisinés au BBQ et piscine, la vie est douce à Siam Reap. Le lever de soleil sur Angkor Wat s’annonce grandiose… Les reflets du temple dans le petit lac sont gâchés par ces touristes qui ne respectent point le silence qu’impose le lieu. C’est une immense déception, j’enrage. Nous rallions les berges du Tonlé Sap, le plus grand lac d’eau douce d’Asie du sud-est et reconnu réserve de biosphère par l’Unesco. La route est défoncée et poussiéreuse. En période sèche, il paraît difficile au jeune capitaine de notre tail boat de traverser ce village presque asséché, de slalomer entre ces maisons sur pilotis, longer cette immense forêt alluviale et de rejoindre ce sympathique restaurant flottant sur le lac. Quel bonheur de déguster un poisson pêché dans ces eaux et de siester dans un hamac. Hélas, notre escale, trop courte, est déjà terminée.

Nous redescendons vers le sud du pays afin de relier la côte khmère. Notre cœur balance entre Kep, l’ancien lieu de villégiature des élites françaises et cambodgiennes jusqu’aux années 1960 et Kampot, ville réputée pour son poivre et ses marais salants. Attirés par les jolis bungalows qui fleurissent le long de la rivière Preaek Tuek Chhu, nous choisissons la seconde. Le produit anti-moustique de Maghnia coulera à flots pendant quelques jours. Aujourd’hui, notre journée scoot’ sera inoubliable ! Nous voilà dans les plantations d’un poivre IGP, peut-être le plus réputé au monde. Je me vois déjà faire tourner le moulin du bonheur sur viandes, légumes et poissons. Noir, blanc et rouge mais aussi en bâton ou associé au sel des marais salants de la région, les petites billes épicées explosent en bouche et dans nos narines. Grandiose ! C’est ce fameux poivre que l’on retrouve sur le marché aux crabes mondialement réputé de Kep, une ville fondée par les Français en 1908. Le crustacé, relevé par les épices et une sauce onctueuse magnifique, nous offre un déjeuner royal. Jadis station balnéaire la plus prestigieuse de tout le Cambodge, les destructions de la période Khmers rouges ne semblent avoir que peu affecter une ville d’ailleurs rénovée par le Prince Sihanouk qui s’était fait construire une demeure avec vue sur le Golfe de Thaïlande. Sac à dos rempli de poivre à offrir aux amis et à la famille, nous repartons en direction du parc national de Preah Monivong pour rallier l’ancienne station climatique abandonnée de Bokor, située à 1000m d’altitude. Assis sur nos scooters, l’air devient de plus en plus frais pour rejoindre cet ancien refuge contre la chaleur et l’insalubrité du Phnom Penh colonial. C’est une petite mission que de trouver ce lieu de détente perdu, qui jadis faisait le bonheur des colons français puis de la haute société khmère. Au minimum, 881 forçats perdirent la vie au cours de la construction de la route et des bâtiments dans cette région de montagnes isolée. Marguerite Duras témoignera d’ailleurs des conditions de travail au Bokor dans Un barrage contre le Pacifique. Ce n’est qu’après de longues recherches que nous voilà devant un vrai décor de cinéma : casino en ruine, hôtel happé par la végétation, église cachée dans la jungle… Euréka, c’est presque The Lost City of Z ! En novembre 1928, un chasseur de passage dans la région ne s’y trompait pas : « Toute cette cité, produit d'un rêve de mégalomane sombre dans l'isolement, s'effrite à la pluie et entre lentement dans l’oubli. Quinze ans encore, dix ans peut-être et le touriste ira visiter les ruines du Bockor ». Les heures sombres arrivant, il est temps de quitter le plateau et rejoindre, après 33 km de route de montagne, la torpeur tropicale de Kampot.


Puis de filer sur Sihanoukville pour sauter dans un ferry desservant les îles réputées paradisiaques du Golfe de Thaïlande. Maghnia ne s’est pas trompée en choisissant Koh Rong Samloen, plus petite que sa jumelle située plus au nord. Avec sa plage de sable blanc immaculé bordée de palmiers et de casuarinas, Saracen bay est l’endroit rêvé pour se détendre quelques jours et rêvasser face à une eau turquoise. Nous posons nos sacs dans un bungalow avant de traverser une forêt pluviale riche en minéraux pour rejoindre la paisible Lazy beach. De nuit, un bateau nous conduit dans des eaux chaudes peuplées par un plancton bioluminescent qui scintille lorsque l’on s’active. En s’attendant presque à l’expérience du siècle, nous sommes forcément déçus ! Les jours sont doux à Samloen entre barbecues de poisson grillé, tea time, paddle, lectures, agapes, jeux avec une adorable colonie de chiots et sorties snorkeling. Non loin du rivage, nous découvrons – enfin ! – le magnifique récif corallien de Mad Monkeys habité par nombre d’anémones et leurs petits gardes, les fameux Némo(s). L’île semble être un modèle de durabilité. Jamais je n’ai vu plages si propres lors de mes escales iliennes. Dans une Koh Rong surpeuplée et beaucoup plus touristique, nous sommes d’ailleurs choqués par ses ordures et ses plastiques. C’est encore plus flagrant si l’on compare au reste du pays, car le Cambodge est, malgré la pauvreté de ses campagnes, relativement propre. En attendant le ferry, nous profitons des cimes, accrochés aux troncs qui servent de plateformes pour un accrobranche très fun ! Il est l’heure de rallier Sihanoukville pour une soirée très cool et une nuit dans un Mushroom bungalow spartiate mais cozy. Bientôt de retour à Phnom Penh, la boucle est presque bouclée. Notre chauffeur s’arrête dans un relais où un jeune bonze vient mendier du riz pour sa communauté. Au moment de bénir son donateur, il semble bien ailleurs, indifférent presque aux prières qu’il prononce.

À la recherche d’un lieu pour changer nos dollars pour terminer au mieux le voyage, nous nous faisons avoir comme des débutants. De faux billets grossiers ? Plus c’est gros plus ça passe ! Devant le palais royal des jeunes s’essayent au tot sey (le dá cầu vietnamien), le jeu si populaire dans la région. Non loin, le musée national nous accueille pour une représentation de danse du Ballet royal du Cambodge. La légende raconte qu’un ermite indien épousa une danseuse Apsara (créature céleste de la mythologie bouddhiste et hindouiste). Leur union engendra ce qui deviendra le Cambodge et les Khmers. Nous pénétrons dans le palais pour une visite que l’on attend avec impatience. Réputé comme l’un des plus beaux palais du monde, c’est pour nous une vraie déception. La Pagode d’Argent (temple du Bouddha d’Émeraude) ? Un attrape-touriste. Les peintures murales ? Gâchées par un ensemble bétonné sans âme.  Les hutongs de Beijing nous attendent déjà. Une escale superbe pour terminer ce fabuleux voyage !


 


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