Août 2023
Le golfe de Tivat derrière nous, nous faisons étape à Dubrovnik la magnifique. Nous entrons, un court instant, dans une Croatie qui a adopté l’euro depuis le 1er janvier. À la vue des prix affichés, quelle idée merdique ! Si la citadelle de Dubrovnik est bien jolie, l’expérience ressemble à une farce de très mauvais goût. Avec 36 touristes/hab., elle serait en tête des villes européennes exposées à la pression touristique, bien loin devant Rhodes, Bruges et même Venise (21/hab.). À Split comme ici, nous aurons la désagréable impression de devoir payer tout plein pot pour passer un peu de temps dans l’un des lieux de tournage de Games of Thones. Ici, HBO a réussi l’exploit de moderniser la devise de la ville en supprimant quelques mots : « La liberté ne se vend pas même pour tout l'or du monde. » Un exploit ! Ici comme à Kotor, tout est bon à vendre, des masques vénitiens aux objets « ottomans ». Il n’y a aucun doute : le capitalisme a su distiller son poison en Méditerranée. Sarajevo nous redonne le sourire. Ah, que j’aime cette ville, parfait trait d’union entre Orient et Occident. Ses racines ottomanes sautent aux yeux dans le quartier turc, où il fait bon boire un turkish çay accompagné d’une douceur (baklava, hurmasice ou tufahija, mon préféré) au son de l’adhen (appel à la prière). Adorateurs de cafés turcs ou de hookah, cette ville est faite pour vous. Lors de mon passage en 2015, j’écrivais que « c'est la ville parfaite pour une aventure imaginaire de mon ami Corto Maltese ! ». Les traces d’un XXème siècle cannibale sont toujours là : une plaque rappelle l’assassinat de François-Ferdinand d’Autriche (28/06/1914) par un Gavrilo Princip devenu, pour certains, un héros national. Leur Colonel Fabien ? Les murs crient sans cesse « Don’t forget 93 » et les traces des balles ou, parfois énormes, des mortiers utilisés pendant le siège de Sarajevo (1992-1995) sont presque partout comme « allée des Snipers » ou sur la façade de ce bâtiment de souffrance devenu musée. Son sous-sol abrite le café Tito. Café, mémorial, musée, un peu tout à la fois. Yougo-nostalgie ? Dans la partie serbe, statues ou tatouages glorifient les criminels de guerre jugés par le TPIY. Cette cohabitation est dingue.
Nous suivons les traces du nobélisé Ivo Andric. Sa maison comme son célèbre roman nous font découvrir Visegrad. Le pont sur la Drina (1945) est « toujours là, égal à lui-même, arborant l'éternelle jeunesse des grandes œuvres conçues avec génie, lesquelles ignorent ce que vieillir ou changer veut dire et ne partagent pas, du moins semble-t-il, le destin des choses éphémères de ce monde. » Non loin, Andrićgrad est devenu touristique. Ce quartier, pensé et construit par Kusturica, sera-t-il, un jour filmé par le maître né à Sarajevo et qui se disait Yougoslave ? Je l’espère, tant j’aime son cinéma ! Fidèle à l’œuvre originale, Maghnia rejoint la kapia, le lieu de vie du pont. Si Banja Luka est ennuyante, elle offre l’intérêt de comprendre que le pays est divisé en 3 et que la Yougoslavie de Tito ne devait pas être si catastrophique que ça ! Nous sommes dans la capitale de la république serbe de Bosnie ; drapeaux serbes et cyrillique, tee-shirts à la gloire de Poutine, églises orthodoxes, absence de soutien à l’Ukraine, proximité avec un voisin presque génocidaire pendant la guerre, tout est là pour nous le rappeler ! Sa création (1992) est l’une des origines de la guerre en ex-Yougoslavie. Rien de tout cela à Sarajevo, Mostar ou Medugorje situés dans la partie croato-musulmane, à savoir les territoires à dominante bosniaque (musulmans) et donc croate (catholiques). Et si l’on rajoute le territoire autonome de Brčko (avec 3 langues officielles, et dirigé par un maire et un superviseur international mandaté par l’ONU), on s’y perd ! Si l’aigle bicéphale est donc le symbole d'une Albanie divisée (catholiques/orthodoxes), la BH est encore plus fracturée, avec - de plus - un pays loin d’être aussi homogène que son voisin. Le village de Jajce ramène un peu de sérénité ; ses cascades sont belles, son atmosphère paisible. On aime un peu moins Travnik malgré l’énième ćevapi avalé par madame. Pour moi, c’est burek… Ah, cette buregdžinica de Sarajevo !
Le pont de Mostar, totalement reconstruit après la guerre, est sur la route du sud. Les plongeurs se font absent, les touristes non ! Mostar nous permet la visite des cascades de Kravice et du teke de Blagaj. « Corto (…) cette maison dervish magnifiquement posée au bord de la rivière est faite pour toi. C'est La maison dorée de Samarcande en Bosnie. » écrivais-je il y a quelques années. Medugorje est notre dernière étape bosniaque, avant une traversée d’une Croatie que nous n’aimerons pas. Parce que la ville est un lieu de pèlerinage officiel catholique, chaque soir accueille une immense messe en extérieur. Les boutiques de souvenirs, qui peuvent remercier ces 6 Croates d’avoir assisté à l’apparition de Marie de Nazareth, surfent sur la vague et font leur beurre sur la figure de celle-ci et de son fils. Des pèlerins grimpent au sommet de la colline des apparitions pieds-nus pour sentir la souffrance. « La douleur peut-être une source de plaisir » affirmait le Terminator façonné par Mozinor. C’est Maryland après Disneyland ! On y vend également des souvenirs de Croatie, mais rien de bosniaque. Quel pays bizarre. Si la remontée de la Riviera croate est superbe, elle semble trop bâtie. Bien avant l’arrivée en ville, les dessins à la gloire du Hadjuk Split sont partout. Après ces premières semaines de voyage, tout semble cher et bling bling. Très cher ! La faute à Dioclétien, l’empereur qui a Split l’empire Romain en 2 parties ? Encore une fois à Games of Thrones ? Maghia et moi préférons Games of Sedari, la version low cost 100% blédard ! Nous ne faisons que traverser la Croatie, ce pays « ennemi » du backpacking. Ses côtes sont belles, son intérieur vallonné, mais ses prix frisent le ridicule. Comment pourrait-on accepter de payer des prix parisiens dans un pays où le salaire minimum est de 700€/mois. Rallier Zagreb puis Ljubljana afin de prendre un bus pour Paris devient notre seul objectif. C’est presqu’une mission tant la circulation est intense. Au pied du massif de la Medvednica, la Ville Haute de Zagreb offre une étape parfaite avant une journée intense dans le parc national de Plitvice. À chaque instant, la beauté des superbes cascades (dont une de 85m de hauteur) vaut notre lever à 4h30 ! Partout, La naissance de Vénus (Botticelli) semble émergée de l’un de ces innombrables lacs de montagne. L’Europe centrale se rapproche encore plus à Ljubljana, la superbe capitale slovène. Pendant 5 semaines, nous n’aurons fait que suivre cette colonne vertébrale balkanique faite de montagnes à perte de vue. Dans 18h, nous serons à Paris !
Opmerkingen