Dans cette région que nous saurions définir avec précision (et nous défions tout géographe de la définir avec certitude !), la table est souvent un moment de convivialité, à l’image du mezze grec, cet ensemble de plats qui peuvent atteindre la centaine lors d’un mariage ! De la Bulgarie à la Slovénie, en passant par la Serbie ou l’Albanie, voici un aperçu trop peu exhaustif de la cuisine balkanique.
En guise de mise en bouche…
Lors d’une balade homérique de la mer salée vous commencerez à grignoter, à l’heure de l’apéro, ces petites portions appelées meze accompagnées de pain pita et le plus souvent d’ouzo grec, de raki albanais ou de vin crétois un peu âpre sur Karpathos, l’île de notre Pépé Falafel adoré ! Tzatziki, houmous, aubergines grillées, fromages locaux (djathé albanais, sirene bulgare, fromages grecs…), olives (Kalimata, Chalkidiki, Athinolia, Éliés qui agrémentent les salades grecques et crétoises à Héraklion…), foul, salade de crudités ou baba-ghannouj (purée d’aubergine) agrémentent cet art venu du Levant. Et oui, la Turquie ou le Proche-Orient ne sont vraiment pas loin ! Gloire aux Ottomans qui ont essaimé leur gastronomie le long des routes commerciales méditerranéennes. Dans La cuisine ottomane ou la transmission d’un art de vivre de Marie-Hélène Sauner-Leroy, on peut lire ceci : « Dans les régions à forte présence chrétienne (Balkans notamment), l’habitude de consommer des meze reste bien ancrée. Extrêmement variés, ces mets sont consommés avec de l’alcool anisé : foie frit à l’albanaise, feuilles de vigne, tarama, moules farcies, caviar d’aubergines, simples olives ou feta. C’est généralement avec plaisir que l’on évoque cette forme de convivialité. La concomitance de l’alcool, des saveurs variées, de convives uniquement masculins et d’un accompagnement musical donne à ces « repas » la valeur d’un échange émotionnel extrêmement fort. »
Quand le fast-food est partout !
La nourriture rapide est monnaie courante dans la région. On y trouve aisément de nombreuses boulangeries où l’on peut acheter des saucisses frites (stapic sa mesom) ou triangles au sésame, des feuilletés salés (nommés placinta en Roumanie), des parts de pizze, des sandwichs ou des tourtes. Celles aux épinards, à la viande ou au fromage de brebis sont les plus répandues. Ainsi, on appelle spanakopita, celle aux épinards et feta en Crête. On mange aussi beaucoup de bürek (byrek en Albanie). De la Turquie aux bords de l’Adriatique, le börek est partout ! Gloire également aux sandwichs fourrés à la viande. Les locaux les accompagnent le plus souvent de yaourts fermentés. On pourrait aisément évoquer ces viandes parfois servies dans un pain pita. À Sarajevo, vous ne pourrez pas manquer les cevapcici, ces petites boulettes de viande hachée généralement accompagnées d’oignons blancs frais, parfois d’une crème (kajmac). Partout, vous trouverez des köfte. En Grèce et Crête, le souvlaki accompagné de frites et parfois de tzatziki est fait de porc, d’agneau, de mouton, de bœuf ou de poulet. Le souvlaki, c’est le roi ! À Athènes et dans la Grèce méridionale, le souvlaki désignera plutôt le gyros, à savoir un dérivé du mondialement célèbre döner kebab turc. Il ne faudrait pas oublier de mentionner le pleskavica plutôt « fat » en Serbie (un sandwich d'agneau et de bœuf aux oignons accompagné d’ajvar, une sauce à l'ail, aux poivrons, aubergines et piments). Si ce condiment règne en maître en Serbie, on se doit d’en mentionner un autre à base d’aubergine mais aussi de tomate, piment, ail… : le pindjour. Au moment d’une rupture du jeûne du ramadan, vous verrez les Bosniaques musulmans installer leur pique-nique au sommet de la forteresse jaune pour déguster pizze, yogourt et pitas fourrées avec frites. Enfin, sachez que la proximité italienne de l’Albanie, la Croatie ou la Slovénie est rappelée sans cesse par ces parts de pizza qui inondent la région.
Des plats traditionnels bien différenciés : de la terre...
La région étant vaste, les spécificités locales sont infinies. En Roumanie où l’on mange très correctement, nous vous conseillons le sarmale (feuilles de choux farcies) que l’on retrouvera des mois plus tard à Podgorica. Parmi les plats traditionnels des différents pays, testez donc le fergesë en Albanie, un plat paysan fait de tomates, poivrons et fromage caillé, la polenta en Roumanie (mamaliga) ou Slovénie, le Podgoricki japrak accompagné de riz au Monténégro, le ragoût de Sarajevo (Sarajevski puljic), ou cufteta u kajmaku (des boulettes de viande à la crême ou à la sauce rouge). Fans de cette cuisine mijotée, essayez donc le kavarma, un ragoût bulgare que l’on mange partout au pays. En guise d’accompagnement, on retrouve souvent des salades peu travaillées (légumes crus) ou de la pomme de terre, écrasée (purée) ou au four à la crème. On aime !
...à la mer
Les deux immenses côtes que sont l’Adriatique et la mer Noire ne pouvaient que jouer sur la gastronomie balkanique, évidemment à proximité des littoraux. En Croatie, ne manquez pas le risotto noir à l’encre de seiche, marque de fabrique des cités croates devenues hyper touristiques. On aime le risotto au poulpe. Ces dégustations seront sublimées par les fameux vins croates ou slovènes, ou de bonnes bières locales. En Grèce, les petits ports de pêche invitent au plaisir des papilles : espadon, morue en sauce, quel bonheur ! De Saranda en Albanie, je retiendrai ces quelques oliviers, le chant des grillons, du vin albanais ma foi fort correct. Ici, on se régale de calamars, pieuvre, poisson grillé, dorade, penne à la vodka et aux crevettes qui satisfont nos estomacs attirés par le large. Régions et pays différents, mais la trilogie vigne-blé-oliviers n’est jamais très loin, l’esprit de Braudel non plus. On y célèbre le soleil, l’amour de la table, la vigne, les liqueurs locales. « RAKI : connecting people ». Gëzuar (santé) tout le monde ! Sur le littoral de la mer Noire (Bulgarie), on se régale également de carpe ou de poisson-chat. C’en est presque fini de l’insipide salade shopska et sa montagne de crudités et de sirene (fromage de type fêta) !
Des sucreries à faire pâlir nos pères
À Sarajevo, l'art du café bosniaque et des cafés à chicha vous feront perdre la notion du temps. Peut-on mieux l’employer que de profiter du café à la turque ou de ce thé que l’on coupe en Asie mineure et plus loin avec de l’eau chaude sortie d’un samovar ? L’institution qu’est le thé turc devra s’accommoder des sucreries au miel qui inondent les Balkans : balklava, trilece, hurmasice ou lokum venus de Turquie. On aime aussi le trufahija, une pomme au four à la crème. Un délice ! Au rayon des desserts, faites donc honneur au kremsnita, né sur les rives du magnifique lac Bled (Slovénie) et dans la capitale du même pays, au strukli, une pâtisserie au fromage frais. Nous avions choisi goût pomme-cannelle ; un brin écœurant. Au rayon des bonnes découvertes de voyages, nous retiendrons les délicieux strudel aux pommes que l’on trouve en Roumanie, les mekitsi du monastère de Rila en Bulgarie (des beignets que l’on soupoudre abondamment de sucre glace), le bougatsa de Chania (Crête) ou les pâtisseries à la pâte phyllo/filo turque qui égaillèrent nos après-midis crétois.
Sur le pouce - Vins croates et brochettes d'espadon
Par Jacques Teyssier,
Journaliste gastronomique pour CoolinClassic / Article paru dans le journal L'Humanité en août 1996
À l’image de sa voisine slovène, la Croatie aime Bacchus. Elle le cultive, en habits rouge et blanc, de Zagreb jusqu’au Drave, et tout au long de la côte, singulièrement en Dalmatie, en Istrie, et sur la myriade de petites îles mirant l’Adriatique. Quoiqu’un peu lourds, un tantinet rustiques, avec parfois une légère tendance à la madérisation, et une pointe herbacée, ces breuvages sont d’autant plus agréables s’ils ne cherchent pas, par merlot et cabernet sauvignon interposés, à ressembler à des bordeaux ! Curieuse tendance à bouder les cépages locaux se mariant pourtant si lien à la cuisine locale. Pour l’heure, c’est vers le poisson que nous allons nous tourner. Nous le souhaitons grillé, tout juste accompagné à la fin d’un filet d’huile d’olive. Sardines, dorades, rougets, maquereaux, et pourquoi pas de l’espadon. Débité en cubes, en ayant ôté la peau, nous allons préparer des brochettes. Elles auront, au préalable, séjourné un gros quart d’heure dans une marinade avec oignons, sel, poivre, huile d’olive, feuilles de laurier et citron.
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